La demande de bureaux dans les villes phares a diminué et devrait rester en dessous des niveaux d'avant la pandémie. McKinsey prédit que, dans un scénario modéré, la demande d'espace de bureau en 2030 sera inférieure de 13 % à celle de 2019 pour la ville médiane de son étude. Dans un scénario sévère, la demande va chuter de 38 % dans la ville la plus touchée. Ce qui représente une perte de 800 milliards de dollars pour le secteur de l'immobilier d'ici 2030.
Le rapport de McKinsey porte sur l'immobilier dans les villes phares, soit les villes qui ont une part disproportionnée du PIB urbain mondial et de croissance du PIB. Par ville, il faut entendre généralement une grande agglomération.
Ce sont plus de 13 000 employés qui ont été interrogés dans le cadre de cette enquête. Le géant du conseil s'est concentré plus particulièrement sur neuf villes phares : Pékin, Houston, Londres, New York, Paris, Munich, San Francisco, Shanghai et Tokyo. Cependant, dans l'enquête qui sous-tend une grande partie de son rapport, il a collecté des données auprès d'un ensemble plus large de 17 villes phares réparties dans six pays afin de mieux comprendre les comportements. À un moment donné de ses recherches, il a pu étendre son analyse à un ensemble encore plus large de 24 villes phares à d'autres fins.
Le travail hybride est là pour rester et la fréquentation des bureaux a diminué de 30 %
Selon l'enquête de McKinsey, les employés passent toujours beaucoup moins de temps au bureau qu'avant la pandémie. Début 2020, à mesure qu'ils adoptaient le travail à distance et le travail hybride en réponse aux mesures de confinement et aux préoccupations sanitaires, la fréquentation des bureaux dans les zones métropolitaines étudiées a chuté jusqu'à 90 %. Elle s'est depuis rétablie de manière significative, mais reste en baisse d'environ 30 % en moyenne. En octobre 2022, les travailleurs de bureau se rendaient au bureau environ 3,5 jours par semaine.
Le premier graphique donne la distribution (%) des répondants par nombre de jours au bureau par semaine.
Le deuxième donne le nombre moyen de jours au bureau par semaine pour chaque ville.
Selon McKinsey, plusieurs raisons laissent penser que le taux actuel de fréquentation des bureaux pourrait perdurer. D'abord, le taux est resté assez stable depuis mi-2022. Ensuite, il y a ces trois chiffres clés qui ne sont pas très éloignés : le nombre de jours par semaine où les répondants à l'enquête se rendent au bureau (3,5), le nombre de jours auxquels ils s'attendent à se rendre au bureau après la fin de la pandémie (3,7) et leur nombre préféré (3,2). En outre, 10 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles étaient susceptibles de quitter leur emploi si elles étaient tenues de travailler au bureau tous les jours et qu'elles étaient prêtes à subir une baisse de salaire substantielle si cela leur permettait de travailler chez elles quand elles le souhaitaient. Et ce groupe comprend de nombreux employés seniors à revenu élevé, ce qui suggère qu'ils peuvent exercer une influence sur les décisions de leurs entreprises.
L'impact sur l'immobilier
En dehors des arguments standard comme la productivité, l'une des raisons inavouées pour lesquelles les grosses entreprises notamment en veulent au télétravail est l'investissement réalisé dans la construction de bureaux. Apple par exemple a dépensé environ 5 milliards de dollars pour construire Apple Park, son campus géant avec des murs de verre transparent. Bien de grandes entreprises ont également dépensé une belle fortune pour offrir des bureaux paradisiaques à leurs employés, estimant que c'était la clé de la productivité. Voir qu'en fin de compte, ces bureaux ne serviront pas, puisqu'il serait possible de travailler et être productif sans y être, est donc une bouchée difficile à avaler.
Pour les entreprises qui louent des bureaux, c'est plus facile, puisque cela réduit directement leurs charges, mais c'est le secteur de l'immobilier qui va en subir les dommages comme en témoigne l'étude de McKinsey. 800 milliards de dollars, c'est ce que va perdre le secteur de l'immobilier dans les neuf grandes villes d'ici 2030, à cause de la baisse de la demande due au télétravail.
Les changements de comportement provoqués par la pandémie - baisse de la fréquentation des bureaux, migration accélérée depuis les villes et baisse de l'activité commerciale dans les quartiers à forte concentration de bureaux - vont réduire la demande en immobilier dans la plupart des villes phares. D'ici 2030, dans les scénarios modélisés par McKinsey, la demande d'espace de bureau et de commerce sera généralement inférieure à celle de 2019. L'espace résidentiel est moins affecté, bien que les différences de prix entre les centres urbains et les banlieues soient moins importantes qu'auparavant.
Le chiffre de 800 milliards de dollars est basé sur une baisse moyenne de 26 % de la valeur des espaces de bureaux de ces villes sur cette période. Bien que McKinsey suggère que la valeur pourrait encore diminuer si les taux d'intérêt continuent d'augmenter.
Le modèle de McKinsey prévoit une perspective « sombre » pour San Francisco. Elle devrait être la ville la plus touchée des neuf, avec une baisse de 20 % de la demande d'espace de bureau dans un scénario modéré, voire jusqu'à 38 % dans le scénario sévère. Houston et Pékin sont les seules villes où une augmentation de la demande d'espace de bureau est prévue, avec une hausse de 2 % sur la période de 11 ans selon le scénario modéré du modèle.
Variation de la demande d'espace de bureau par ville d'ici 2030 selon les prédictions de McKinsey
McKinsey note que la pandémie a moins affecté la demande dans l'immobilier à Paris qu'à San Francisco, notamment à cause de la diversité des activités commerciales à Paris : contrairement à San Francisco, qui dépend fortement des entreprises technologiques et de l'économie du savoir, Paris abrite des entreprises leaders mondiales dans une grande variété d'industries, telles que la beauté, l'hôtellerie et la vente au détail. Le télétravail étant plus susceptible d'être adopté dans l'industrie de la technologie, la ville de San Francisco se trouve alors beaucoup plus impactée que Paris où il y a une plus grande diversité d'activités commerciales.
Source : Rapport McKinsey
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