Les démocrates du Sénat américain alertent sur la menace que l'IA fait peser sur les emplois. Le groupe vient de publier un rapport selon lequel près de 100 millions d'emplois pourraient être supprimés par l'IA d'ici à 10 ans. Cela touchera aussi bien les cols blancs que les cols bleus. Le rapport estime que 89 % des emplois dans la restauration rapide, 64 % des postes dans la comptabilité et 54 % des développeurs sont menacés par l'automatisation. L'adoption massive de l'IA consolidera le pouvoir des Big Tech et augmentera leurs profits, tout en creusant les inégalités sociales. Le sujet semble opposer les démocrates et les républicains.Le rapport a été publié par le comité sénatorial de la Santé, de l'Éducation, du Travail et des Pensions (HELP), dirigé par le sénateur indépendant Bernie Sanders. Il est intitulé : « The Big Tech Oligarchs’ War Against Workers: AI and Automation Could Destroy Nearly 100 Million U.S. Jobs in a Decade ». Il évoque la manière dont l'IA pourrait impacter les travailleurs américains au cours des dix prochaines années en provoquant des pertes massives d'emplois.
D'après le rapport, l'IA et l'automatisation pourraient supprimer près de 100 millions d'emplois d'ici à dix ans, tandis que les milliardaires et les dirigeants d'entreprise engrangeraient des profits records. Il met en garde contre la montée en puissance du « travail artificiel », qui pourrait remodeler « l'économie en moins d'une décennie ». Dans un billet publié sur son site Web personnel, Bernie Sanders dénonce la suppression des emplois au profit de de l'IA.
« La même poignée d'oligarques qui ont manipulé notre économie pendant des décennies — Elon Musk, Larry Ellison, Mark Zuckerberg, Jeff Bezos et d'autres — s'empressent désormais de remplacer les travailleurs humains par ce qu'ils appellent la "main-d'œuvre artificielle". Si nous n'agissons pas, cela pourrait entraîner une catastrophe économique pour les travailleurs de tout le pays », a déclaré le sénateur. Le rapport souligne les points suivants :
- l'IA pourrait remplacer jusqu'à 97 millions d'emplois en 10 ans : selon un modèle basé sur ChatGPT, 89 % des employés de la restauration rapide et des comptoirs, 64 % des comptables et 47 % des chauffeurs routiers pourraient perdre leur emploi ;
- les entreprises utilisent déjà l'IA pour supprimer des emplois : Amazon, Walmart, UnitedHealth Group, JPMorgan Chase et d'autres entreprises déclarent ouvertement aux investisseurs que l'IA leur permettra de réduire leurs effectifs, alors même qu'elles enregistrent des bénéfices de plusieurs dizaines de milliards de dollars et récompensent leurs PDG avec des rémunérations de 25 millions, 35 millions de dollars ou plus ;
- les entreprises spécialisées dans l'IA admettent que leur objectif est de réduire les coûts de main-d'œuvre : des entreprises telles que Salesforce et Artisan font la promotion de plateformes de main-d'œuvre numérique pour « cesser d'embaucher des humains ». Les entreprises de camions autonomes se vantent que leur technologie élimine le « problème » des salaires élevés des chauffeurs ;
- Donald Trump aggrave la situation : l'administration Trump a nommé des dirigeants du secteur de l'IA à des postes politiques de haut niveau, a supprimé les protections du travail et a même licencié des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux afin d'ouvrir la voie au remplacement par l'IA. Les politiques de Donald Trump encouragent les entreprises à automatiser les emplois tout en affaiblissant les syndicats et les droits des travailleurs.
Comme le souligne le dernier point, le rapport des démocrates vise également le programme de l'administration Trump en matière d'IA, l'accusant de céder l'élaboration des politiques aux initiés de la Silicon Valley et de privilégier la déréglementation au détriment de la protection des travailleurs. Le rapport est critiqué par certains commentateurs en raison du fait qu'il s'appuie sur le chatbot ChatGPT d'OpenAI pour ses analyses prédictives.
Les politiques de Donald Trump en matière d'IA vivement dénoncées
Le camp démocrate affirme que la trajectoire actuelle de l'IA ne concerne pas seulement l'innovation ou la productivité, mais aussi la concentration de la richesse et du pouvoir. D'après eux, les patrons du secteur technologique à l'origine du boom de l'IA investissent des milliards dans l'automatisation afin de réduire les coûts de main-d'œuvre et d'augmenter la productivité. Cela leur permet d'augmenter fortement leurs profits au détriment des travailleurs.
En revanche, les républicains font valoir que les États-Unis doivent être à la pointe du développement de l'IA et qu'une réglementation gouvernementale excessive pourrait donner un avantage à des pays comme la Chine. Donald Trump s'est lancé dans une croisade contre les réglementations depuis son retour. Le président américain a fait une proposition visant à bloquer et annuler la réglementation des États américains en matière d'IA pendant dix ans.
Le libellé de la version sénatoriale du projet de loi est constamment modifié afin d'obtenir davantage de soutien. La version actuelle laisse aux États le « choix » de réglementer l'IA, mais sous peine de perdre l'accès au financement fédéral pour la large bande, ainsi qu'au financement de la mise en œuvre de l'IA. La clause est dénoncée par les critiques du projet de loi et les experts, car elle est perçue comme un chantage visant à mettre les États au pas.
Les experts affirment que sans cadres réglementaires claires, les consommateurs pourraient se trouver exposés à des usages abusifs de l’IA, comme la reconnaissance faciale sans garde-fous ou des algorithmes discriminants. L'Union européenne a adopté une législation stricte pour encadrer ces cas d'utilisation jugés à risque. Les experts soulignent également les questions de transition énergétique et d’émissions liées au développement rapide de l’IA.
Bernie Sanders estime que la menace du travail artificiel n'est pas inévitable, mais qu'il s'agit d'un choix : « la technologie peut et doit améliorer la vie des travailleurs. Mais cela ne se produira pas si les décisions sont prises dans les salles de réunion par des milliardaires qui ne se soucient que des profits à court terme. Le Congrès doit veiller à ce que l'IA et l'automatisation profitent aux travailleurs, et pas seulement aux PDG des entreprises et à Wall Street ».
Les entreprises remplacent massivement leurs travailleurs par l'IA
Selon un rapport de Goldman Sachs en 2023, les systèmes d'IA générative comme ChatGPT pourraient avoir un impact sur 300 millions d'emplois à temps plein dans le monde. Selon la banque d'investissement, les systèmes autonomes capables de créer un contenu indiscernable de la production humaine pourraient déclencher un boom de la productivité qui finirait par augmenter le produit intérieur brut mondial annuel de 7% sur une période de 10 ans.
Le PDG d'Amazon, Andy Jassy, a déclaré que les effectifs de l'entreprise diminueront dans les années à venir, à mesure qu'elle adopterait davantage d'outils et d'agents d'IA générative. « Il est difficile de savoir exactement où cela mènera à terme, mais au cours des prochaines années, nous prévoyons que cela réduira l'effectif total de notre entreprise, car nous gagnerons en efficacité en utilisant largement l'IA dans toute l'entreprise », a déclaré Andy Jassy.
Chez Salesforce, cette réalité a déjà pris forme. Le PDG Marc Benioff a admis que l'IA a permis de réorganiser son service client et réduire ses effectifs de 9 000 à 5 000 personnes. Il a qualifié les huit derniers mois de « plus passionnants » de sa carrière, même si l'entreprise a supprimé des milliers d'emplois.
Marc Benioff, qui a cofondé Salesforce en 1999, a déclaré que les agents IA, qui décomposent les tâches complexes en étapes plus petites et peuvent accomplir des missions de manière indépendante, ont remodelé les opérations de l'entreprise. « Si nous avions eu cette conversation il y a un an et que vous aviez appelé Salesforce, vous auriez été en contact avec 9 000 personnes à travers le monde sur notre service cloud », a-t-il déclaré.
Le marché de l’emploi pour les développeurs en France est en nette contraction. Le nombre d’offres d’emploi pour développeur publiées sur Indeed en France a fortement baissé en deux ans. L’indice montre que les annonces ont dégringolé de plus de 80 % entre janvier 2023 et juillet 2025. La situation en France reflète la tendance globale du marché de l'emploi dans l'industrie, confrontée à des vagues de licenciements massifs depuis 2022.
Le nouveau rapport des démocrates du Sénat présente une série de propositions politiques visant à garantir que les familles de travailleurs, et pas seulement les milliardaires, bénéficient des changements technologiques. Ces mesures comprennent notamment :
- une semaine de travail de 32 heures sans perte de salaire ;
- obliger les entreprises à partager leurs bénéfices avec leurs employés et à leur donner des sièges au conseil d'administration ;
- développer l'actionnariat salarié et créer une banque américaine dédiée à l'actionnariat salarié ;
- instaurer une « taxe sur les robots » pour les entreprises qui remplacent leurs employés par des machines ;
- plus que doubler le nombre d'adhérents aux syndicats en adoptant la loi PRO (Protecting the Right to Organize Act) et en mettant fin à la répression syndicale ;
- garantir des congés familiaux et médicaux payés ;
- rétablir les retraites à prestations définies ;
- interdire les rachats d'actions par les entreprises.
Les données du cabinet de conseil en emploi Challenger, Gray and Christmas montrent une forte augmentation des licenciements en juillet 2025, près de la moitié d'entre eux étant liés à l'IA et aux « mises à jour technologiques ». Dans le secteur technologique, plus de 150 000 emplois ont été supprimés dans 549 entreprises en 2024. Depuis le début de cette année, plus de 80 000 travailleurs ont été victimes de réductions d'effectifs dans l'industrie.
Des humains embauchés pour nettoyer le code écrit par l'IA
Avec l'essor d'outils d'IA tels que...
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