En mai 2020 - au début de la pandémie de Covid-19 - 61,5 % des journées de travail complètes et rémunérées ont été effectuées à domicile, selon une enquête sur les conditions de travail et les attitudes. Cette proportion a diminué de moitié environ jusqu'en 2022, les entreprises ayant rappelé leurs employés au travail en personne.
Toutefois, la situation a changé en 2023. La part des jours de travail à domicile rémunérés est restée totalement stable cette année, oscillant autour de 28 %, selon des données additionnelles publiées par le professeur Bloom. C'est encore quatre fois plus que les 7 % d'avant la pandémie. L'enquête sur les ménages du Bureau du recensement américain montre une tendance similaire, d'après le chercheur.
La sortie de l’économiste donne un aperçu du conflit qui se joue sur le marché du travail. Les employés qui ont gouté au télétravail pendant les confinements dus à la pandémie veulent poursuivre sur cette formule tandis que les employeurs veulent dans leur grande majorité les ramener au bureau. Le télétravail semble néanmoins être là pour rester si l’on s’en tient à un précédent rapport du gouvernement américain : plus d’un tiers des travailleurs américains continuent d’exercer depuis leur domicile en dépit des appels de retour au bureau des géants technologiques US.
Environ trois ans après que la pandémie de coronavirus a bouleversé les habitudes de travail aux États-Unis, près d'un tiers (35 %) des travailleurs dont l'emploi peut être exercé à distance travaillent tout le temps à domicile, selon une nouvelle enquête du Pew Research Center. Ce chiffre est certes en baisse par rapport aux 43 % de janvier 2022 et aux 55 % d'octobre 2020, mais en hausse par rapport aux 7 % seulement d'avant la pandémie.
La diminution du nombre d’employés en télétravail permanent est la résultante du rapport de force entre employeurs et employés, lequel a débouché sur le « compromis » du travail hybride. L’enquête du Pew Research Center révèle que 41 % des personnes ayant un emploi pouvant être exercé à distance ont un horaire hybride, c'est-à-dire qu'elles travaillent à domicile certains jours et au bureau, sur le lieu de travail ou sur le site de l'entreprise d'autres jours. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 35 % enregistrés en janvier 2022.
Parmi les employés lancés sur la formule travail hybride, la plupart (63 %) déclarent que leur employeur leur demande de travailler au bureau un certain nombre de jours par semaine ou par mois. Environ six travailleurs hybrides sur dix (59 %) déclarent travailler à domicile trois jours ou plus au cours d'une semaine normale, tandis que 41 % déclarent le faire deux jours ou moins.
Ces tendances représentent plus de télétravail que les employeurs ne sont enclins à permettre. En effet, les résultats de l'enquête de la Federal Reserve Bank of New York indiquent que les entreprises préfèrent en général moins de travail à distance que ce n'est le cas pour le moment. Et donc, dans l'ensemble, elles ont procédé à des changements exigeant davantage de travail au bureau. En effet, environ 25 % des entreprises de services interrogées dans le cadre de l’enquête de la Federal Reserve Bank of New York ont exigé des travailleurs qu'ils soient plus souvent au bureau au cours de l'année écoulée et 17 % déclarent qu'elles augmenteront les exigences en matière de présence au bureau au cours de l'année à venir.
En toile de fond, c’est le débat sur la productivité et la créativité des employés en télétravail qui a cours
Zoom, dont le logiciel de visioconférence a permis de lancer la plus grande expérience au monde de travail à domicile pendant la pandémie de la Covid-19, demande à ses employés de retourner au bureau. Motif : cela permet l’atteinte de leur maximum en capacité d’innovation et une meilleure connaissance les uns des autres. C’est une sortie en phase avec celle d’autres dirigeants comme Tim Cook selon lesquels « les employés doivent retourner au bureau, car cela stimule la créativité. » Le tableau ravive le débat sur la comparaison de la productivité et de la créativité des employés au bureau et ceux en télétravail.
L’on ne saurait penser à l’avènement du télétravail sans faire mention de Zoom. Ironie du sort : l’entreprise privilégie désormais le travail hybride au détriment du travail à distance : « Nous pensons qu'une approche hybride structurée, c'est-à-dire que les employés vivant près d'un bureau doivent être sur place deux jours par semaine pour interagir avec leurs équipes, est la plus efficace pour Zoom. En tant qu'entreprise, nous sommes mieux placés pour utiliser nos propres technologies, continuer à innover et soutenir nos clients internationaux », a déclaré un porte-parole de l'entreprise dans un communiqué.
Zoom est la dernière entreprise technologique à citer le besoin de collaboration en personne pour demander un certain temps de travail au bureau. Les dirigeants de Meta, Salesforce et Google ont avancé les mêmes arguments.
De récentes données du Bureau américain des statistiques du travail comptant pour l’entièreté de l’année 2022 font état de ce que les employés en télétravail à temps plein ont travaillé 2,5 heures de moins par jour que ceux dans les bureaux. En moyenne, ceux qui ont travaillé à distance l’ont fait 5,4 heures par jour contre 7,9 heures par jour pour ceux au bureau. De quoi conclure que le travail à distance rend les employés en télétravail moins productifs que ceux dans les bureaux ? La question divise quand on prend en compte que certaines études font état de ce qu’un employé dans un bureau serait productif sur moins de 3 des 8 heures sur une journée de travail.
Les employés sont-ils plus productifs en télétravail ou dans un bureau ? La question se posait déjà avant la survenue de la pandémie de coronavirus et revient sur la table avec acuité dans l’actuel contexte fait d’appels de retour au bureau par les grandes entreprises. Microsoft a initié un sondage sur un échantillon de 20 000 personnes dans des entreprises disséminées dans 11 pays pour y voir plus clair. Résultat : 87 % des participants à l’enquête disent être plus productifs en télétravail et 88 % des dirigeants émettent des doutes quant à ce que leurs employés en télétravail puissent être plus productifs que dans un bureau.
Les employés de Twitter pouvaient travailler à domicile pour toujours ou de là où ils se sentent le plus productifs et créatifs depuis le mois de mars 2022. C’est l’une des entreprises à avoir adopté l’une des politiques de travail à distance les plus souples en raison de la survenue de la pandémie de coronavirus. Cette donne a changé avec l’acquisition de Twitter par Elon Musk. L’une de ses premières mesures : fin du télétravail pour ceux qui continuent à faire partie des effectifs du réseau social après la suppression de la moitié des emplois. Ce dernier a ensuite confirmé son positionnement dans une sortie selon laquelle « le télétravail est une connerie qui pose un problème moral et est cause de baisse de productivité. »
« Je crois fermement que les gens doivent être plus productifs lorsqu’ils sont lancés sur la formule "présentiel au bureau" », a-t-il déclaré avant d’ajouter entre autres que « le télétravail pose un problème moral, car c’est une formule injuste pour les personnes qui ne peuvent travailler à domicile. »
Pourtant, certaines études font état de ce que le travail à distance n’a pas d’impact négatif sur la productivité des travailleurs
L'équipe de l'université du Texas a travaillé sur des données d’un logiciel fourni par une grande entreprise pétrolière et gazière de Houston. Pendant la période d'étude (de janvier 2017 à décembre 2018), l'entreprise a été contrainte de fermer ses bureaux en raison des inondations provoquées par l'ouragan Harvey, ce qui a obligé les employés à travailler à distance pendant une période prolongée.
Les chercheurs ont examiné les données technologiques des employés (le nombre total d'heures travaillées par employé, le temps de travail actif total, l'utilisation du clavier par minute active, l'utilisation de la souris par minute active, les mots tapés par heure et le nombre d'erreurs typographiques par mot tapé) avant, pendant et après l'ouragan Harvey. Ils ont constaté que, bien que l'utilisation totale des ordinateurs ait diminué pendant l'ouragan, les comportements professionnels des employés pendant la période de sept mois de travail à distance sont revenus aux niveaux d'avant l'ouragan. Cette conclusion suggérait que le travail à distance n'a pas d'impact négatif sur la productivité des personnes lancées sur la formule télétravail.
Néanmoins, le télétravail introduit un facteur « difficulté de collaboration à distance » avec un possible impact sur la productivité
Cette étude fait suite à celle de Hogan Assessments 43 % des travailleurs ont déclaré être plus productifs à domicile, 44 % ont déclaré être aussi productifs et seulement 13 % ont déclaré être moins productifs. Toutefois, le rapport montre que les travailleurs ont trouvé la collaboration à distance plus difficile, de sorte que le fait que la plupart des travailleurs aient déclaré se sentir aussi ou plus productifs est dû au fait qu'ils étaient plus productifs lorsqu'ils travaillaient seuls.
C’est une des brèches dans lesquelles s’engouffrent les chefs d’entreprise quand on sait qu’ils sont d’avis que les employés doivent retourner au bureau, car cela stimule la créativité : « la communication marche mieux face à face. » Les dirigeants sont convaincus que les collègues construisent de meilleures relations de travail par exemple quand ils prennent le déjeuner ensemble, prennent le temps de discuter de divers sujets, même les plus banals ou alors participent à des exercices destinés à développer l’esprit d’équipe.
En droite ligne avec ce positionnement, ces derniers évoquent un « impact sur la créativité. » Le mythe selon lequel un manque d’interaction sociale réduit la créativité et l’innovation reste profondément ancré. C’est d’ailleurs l’un des arguments sur lesquels s’appuyait Marissa Mayer pour s’ériger contre le télétravail lorsqu’elle a déclaré que « certaines des meilleures idées et décisions surviennent après des discussions à la cafétéria ou au couloir, après des rencontres avec les gens et des rendez-vous d’équipes impromptus ».
Toutefois, si des recruteurs estiment que les conversations dans le genre « peux-tu s’il te plaît vérifier ceci ? » sont importantes, des contradicteurs pointent le revers de la médaille. Ces derniers indiquent que des « interactions » peuvent se transformer en « interruptions » qui coûtent plus ou moins cher en termes de productivité et flux de créativité. Des tiers en télétravail avancent par exemple que « les distractions sont insupportables. Les téléphones qui sonnent, les gens qui débarquent et ressentent toujours le besoin d’interrompre pour absolument tout (que ça soit relié ou non au travail) et plusieurs appels à propos de projets qui ne sont pas liés qui résultent en changement de contexte. »
Un employé dans un bureau serait productif sur moins de 3 des 8 heures sur une journée de travail
L’étude d’Invitation Digital Ltd a porté sur près de 2000 (1989 pour être exact) employés de bureau (à temps plein) âgés de plus de 18 ans et disséminés sur l’ensemble du territoire du Royaume-Uni. En réponse à la question de savoir s’ils se considèrent comme productifs tout au long d’une journée de travail, la grande majorité (soit 79 %) a répondu non. D’après les résultats de l’étude, seul le cinquième (donc les 21 % restants) a répondu par l’affirmative. Le sondage a ensuite révélé que la durée moyenne de productivité sur le lieu de service est de 2 h 53 min, soit moins de 3 h.
Source : Nick Bloom
Et vous ?
Ces statistiques collent-elles avec la réalité dont vous êtes au fait ?
Êtes-vous personnellement plus productif en travaillant à distance ?
Quelles sont pour vous les difficultés majeures qui limitent votre productivité dans ce mode de travail ?
La collaboration entre vous et vos collègues a-t-elle été affectée par le travail à domicile ?
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