Jeudi, Google a subi un revers lorsqu'un juge de l'État de San Francisco a accordé le statut d'action collective à une action en justice concernant l'inégalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour le même travail. Selon un juge de la Cour supérieure de Californie à San Francisco, les plaignantes peuvent non seulement poursuivre Google, mais aussi représenter plus de 10 800 femmes qui pourraient également avoir été injustement moins payées par rapport à leurs collègues masculins chez le géant de l'Internet. Leur plainte a été déposée en 2017, demandant à Google des dommages et intérêts qui pourraient maintenant atteindre 600 millions de dollars compte tenu de son statut.
La société Google d'Alphabet Inc. n'a pas réussi à convaincre un juge de bloquer le statut de recours collectif pour un procès pour disparité salariale entre les sexes intenté au nom de plus d’une dizaine de milliers de femmes. Un juge de la cour supérieure de Californie a rendu une ordonnance certifiant une action collective en faveur de ces anciennes employées de Google qui allèguent que le géant de la technologie s'est livré à une discrimination systémique et généralisée en matière de rémunération et de promotion à l'encontre de ses employées en Californie, payant parfois les femmes des milliers de dollars de moins que leurs homologues masculins.
Déposée par Lieff Cabraser et son co-conseiller Altshuler Berzon en vertu de la loi californienne sur l'égalité des salaires récemment modifiée, l'action collective pour discrimination sexuelle à l'encontre de Google se démarque avec un second chef d’accusation. En effet, elle vise à lutter contre deux pratiques pernicieuses : le sous-classement des femmes par rapport aux hommes comparables lors de l'embauche et l'utilisation des informations sur les salaires antérieurs des candidats pour déterminer leur taux de rémunération, un processus qui perpétue l'inégalité, les femmes ayant toujours été payées en moyenne beaucoup moins que les hommes.
« Google a pratiqué et continue de pratiquer une discrimination à l'encontre de ses employées en les payant moins que les employés masculins ayant des compétences, une expérience et des fonctions similaires, en affectant et en maintenant les femmes dans des échelles et des niveaux d'emploi avec des plafonds de rémunération et des possibilités d'avancement inférieurs à ceux auxquels sont affectés et maintenus les hommes ayant des compétences, une expérience et des fonctions similaires, et en promouvant moins de femmes et plus lentement que les hommes ayant des qualifications similaires », peut-on lire dans leur document. « Le résultat net de cette discrimination systémique est que Google paie les femmes moins que les hommes pour un travail comparable ».
Le 3 janvier 2018, les plaignants ont déposé leur première plainte modifiée en recours collectif devant le tribunal d'État de Californie. Le 27 mars 2018, la juge Mary E. Wiss de la Cour supérieure de Californie a rendu une ordonnance jugeant que les allégations des plaignantes étaient suffisantes pour survivre aux tentatives de Google de les faire supprimer de la plainte pour recours collectif. Le géant de la technologie avait tenté d'obtenir du tribunal qu'il retire du litige deux des six postes d'emploi énumérés dans la plainte, sans succès.
Les plaignantes ont déposé leur requête en certification de classe le 21 juillet 2020. La motion demande que le tribunal certifie l'affaire pour qu'elle soit traitée comme un recours collectif au nom des employées de Google qui ont travaillé en Californie dans les postes couverts du 14 septembre 2013 à maintenant.
En 2018, Google a fait valoir que se défendre contre les allégations de la loi sur l'égalité des salaires dans le cadre d'une action collective exigeait des « témoignages individualisés illimités » pour les différents types de travail effectués par plus de 33 000 employés. Mais le juge Andrew Y.S. Cheng de la Cour supérieure de San Francisco n'est pas d'accord. Pour que le travail soit « substantiellement similaire » au sens de la loi sur l'égalité des salaires, a écrit Cheng, « il n'est pas nécessaire que les emplois soient identiques ou exigent exactement les mêmes tâches ».
« C'est un jour important pour les femmes chez Google et dans le secteur technologique, et nous sommes si fiers de nos courageuses clientes qui ont ouvert la voie », a déclaré l’avocate Kelly Dermody, associée de Lieff Cabraser, qui représente les plaignantes dans cette affaire. « Cette ordonnance montre qu'il est essentiel que les entreprises donnent la priorité à la rémunération équitable des femmes plutôt que de dépenser de l'argent pour les combattre en justice ». Dermody a déclaré que la prochaine étape est d'amener l'affaire à un procès, qui, selon elle, pourrait commencer en 2022.
Pratiques de discrimination salariale reprochée à Google
Kelly Ellis, l’une des quatre femmes qui ont ouvert l’affaire, a été embauchée en tant qu'ingénieur logiciel front-end travaillant dans une équipe de Google Photos en 2010, et avait à l'époque quatre ans d'expérience en tant que développeur back-end. Elle a été embauchée en tant qu'ingénieur de niveau 3, un grade associé aux diplômés et autres travailleurs en début de carrière.
Quelques semaines après son arrivée dans l'entreprise, elle a déclaré que Google avait embauché un collègue masculin ayant les mêmes qualifications qu'elle, mais en tant qu'ingénieur de niveau quatre, mieux rémunéré. Lorsqu'elle a demandé une promotion, celle-ci lui a été refusée. Les responsables auraient reconnu ses "excellentes" évaluations de performances, mais n'auraient pas voulu la payer au même taux que ses homologues masculins parce qu'elle ne travaillait pas depuis assez longtemps dans l'entreprise.
Ellis a fini par être promue au niveau quatre, et a affirmé qu'à ce moment-là, des ingénieurs masculins ayant des antécédents et des expériences similaires avaient déjà atteint des niveaux supérieurs et étaient donc mieux payés. Elle a quitté Google en 2014, accusant sa "culture sexiste".
Selon l’affaire, la discrimination salariale chez Google s’est entendue au-delà des rôles techniques. Kelli Wisuri, une autre des quatre plaignantes à l’origine de l’affaire, a été employée dans le secteur des ventes en tant qu'employée de niveau deux en 2012, et a affirmé que les hommes dans les ventes avaient un statut de niveau trois. Bien que Wisuri ait été représentante commerciale, elle a déclaré que Google la considérait comme faisant partie de la "Sales Enablement ladder", une catégorie moins bien rémunérée qu'une personne occupant un poste de vente à part entière.
Elle a affirmé que presque tous les travailleurs sur l'échelle des ventes étaient des hommes, et que 50 % des personnes sur l'échelle d'habilitation des ventes étaient des femmes. En 2015, elle a également démissionné.
Un cas similaire a été présenté par Holly Pease. En tant que responsable du réseau d'entreprise, elle supervisait les entrepôts de données, les applications logicielles et divers services en interne. Mais tout au long de sa carrière de onze ans chez Google, elle n'a jamais été promue à un échelon considéré comme technique. Pease a affirmé que même si elle a aidé d'autres employés à passer des entretiens techniques pour accéder à des postes techniques plus élevés, les responsables lui ont dit qu'elle « manquait de compétences techniques ».
Heidi Lamar, la quatrième des initiatrices de l’action collective, s'est jointe au procès en 2018 après avoir précédemment déposé son propre dossier contre Google. Elle a déclaré avoir découvert que ses collègues masculins employés en tant qu'enseignants préscolaires recevaient des salaires de départ plus élevés que la quasi-totalité des femmes du Children Center de Google à Palo Alto.
Les femmes à l'origine de l'action en justice contre Google ont déclaré, dans une requête déposée en juillet, que l'entreprise payait ses employées environ 16 794 dollars de moins par an que « l'homme dans la même situation », citant une analyse de David Neumark, économiste à l'Université de Californie à Irvine. « Google a versé aux femmes un salaire de base moins élevé, des primes moins importantes et moins d'actions que les hommes dans le même code d'emploi et au même endroit », ont-elles ajouté.
« Nous croyons fermement à l'équité de nos politiques et de nos pratiques », a déclaré un porte-parole de Google. « Au cours des huit dernières années, nous avons effectué une analyse rigoureuse de l'équité salariale afin de nous assurer que les salaires, les bonus et les primes d'équité sont équitables. Si nous constatons des différences dans les salaires proposés, notamment entre les hommes et les femmes, nous procédons à des ajustements à la hausse pour les supprimer avant que la nouvelle rémunération n'entre en vigueur ».
« Rien qu'en 2020, nous avons procédé à des ajustements à la hausse pour 2 352 employés, dans presque toutes les catégories démographiques, pour un montant total de 4,4 millions de dollars. Nous procédons également à des analyses rigoureuses pour garantir l'équité dans le nivellement des rôles et l'évaluation des performances ».
Ce n'est pas la première fois que Google est confronté à de telles allégations. En février dernier, l'entreprise a été condamnée à verser 3,8 millions de dollars d'arriérés de salaire à des ingénieures qui gagnaient moins que leurs collègues masculins et à des femmes asiatiques discriminées qui postulaient à des postes techniques. Cette décision fait également suite à une décision similaire rendue l'année dernière dans une affaire Oracle Corp. Contre un collectif de plus de 4100 employées.
Mais les femmes d'autres entreprises technologiques qui se sont tournées vers les tribunaux pour transformer leur rémunération et leur traitement sur le lieu de travail ont eu du mal à s'imposer, tout comme leurs homologues féminines dans des secteurs plus traditionnels, du commerce de détail à la finance. La Cour suprême des États-Unis a placé la barre très haut dans sa décision de 2011, qui a empêché 1,5 million de travailleuses de Walmart Inc. de porter plainte pour discrimination en tant que groupe.
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Pensez-vous que l’équité salariale entre hommes et femmes s’établira un jour dans toutes les entreprises ?
Voir aussi :
Oracle fait face à un recours collectif de plus de 4100 employées, qui affirment avoir été payées moins bien que les hommes travaillant aux mêmes postes
Google va verser 2,5 millions de dollars à des femmes ingénieurs sous-payées et à des candidats asiatiques négligés, la société procédera également à l'ajustement des salaires de certains ingénieurs
Un ancien Googler porte à son tour plainte contre son ancien employeur, qui l'a renvoyé après qu'il avait critiqué le mémo de Damore
Scott Kingston, un ancien directeur des ventes d'IBM, gagne un procès de 11 M$ contre l'entreprise, après avoir été licencié pour s'être rebellé contre la discrimination à l'égard de ses subordonnés
Quatre femmes qui poursuivaient Google pour discrimination salariale ont vu leur plainte transformée en recours collectif de 600 millions $,
Au nom de près de 11 000 femmes
Quatre femmes qui poursuivaient Google pour discrimination salariale ont vu leur plainte transformée en recours collectif de 600 millions $,
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Le , par Stan Adkens
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