Envoyé par
Emmanuel Deloget
Il faut être honnête : nous faisons un travail de fainéant. Le fond même de notre travail est d'autoriser le monde à être encore plus fainéant. Nous y arrivons en simplifiant les manipulations qu'un tiers dois faire en lui fournissant un logiciel adapté à ses besoins. C'est la même chose pour nous : nous cherchons sans arrêt à limiter notre charge de travail avec des artifices techniques (scripts de génération) ou liés au processus (gestion de configuration, tests automatisés, ...). Nous cherchons avant tout à faire ce que nous considérons comme le minimum vital pour obtenir le résultat recherché.
Ces deux idées me paraissent douteuses...
D'abord, sur l'informatique...
Dans la plupart des cas, l'informatique ne permet pas aux gens d'être fainéants, mais chômeurs. Quand on informatise la compta ou la gestion, on ne rend pas les comptables plus paresseux ou moins occupés, mais moins nombreux... Quand on permet (via la bureautique) à chacun de taper son courier ou d'envoyer ses lettres, on déplace le travail d'une profession dédiée (les secrétaires) vers une autre (l'employé lambda), et en fin de compte, il y a un peu moins de monde dans l'entreprise.
Ensuite, l'informatique permet souvent de faire des choses qu'on ne faisait pas avant (tout ce qui tourne autour de la CAO, ou des calculs d'éléments finis, par exemple, ou les jeux vidéos, ou les diverses "activités" facebook). Dans ces cas, l'informatique crée plus de "travail".
Bref, je ne crois pas que l'informatique ait pour mission (ou pour effet) de rendre les gens fainéants, ni même de leur simplifier le travail. Je crois en revanche que, comme l'utilisateur final, est presque toujours un non informaticien, qui se méfie de l'ordinateur (à juste titre, il va peut être le mettre au chomage...), il est indispensable que les programmes soient relativement simples à utiliser.
Sur les informaticiens, maintenant.
Les meilleurs programmes sont courts, simples, faciles d'emploi, intuitifs... Mais le processus qui permet d'y arriver ne l'est pas. En général, la première version est bête, mal pensée, naive, inmaintenable. C'est la troisième, ou la quatrième, nourrie par les défauts des précédentes qui est souvent la meilleure.
La paresse, en informatique, c'est se contenter de la première, et de choisir celle qui "prend le moins de temps" (entendre: qui demande le moins de réflexion). Souvent, on appelle ca "ne pas réinventer la roue", ce qui revient à utiliser (de travers parce que lire la doc prend du temps) un outil mal adapté (parce qu'on n'a pas compris l'énoncé du problème, lire les specs ca prend du temps), sans bien se rendre compte que le temps qu'on va perdre à l'ajuster est bien plus important que celui qu'on a gagné, pour un résultat moins bon... Aussi, ce type d'approche ne procure aucune expérience: au fil des années, l'informaticien "minimaliste" n'a pas beaucoup progressé, sauf en salaire... En général, ca finit mal.
Bien sur, une fois qu'on est arrivé à la solution élégante, courte, minimaliste, on a beau jeu de louer la "paresse", mais c'est un peu hypocrite : cette solution courte est obtenue au terme d'un processus très long.
Croire que pour être bon en informatique, il faut être paresseux, c'est très très naif... (à mon avis, pour être bon en informatique, il faut être insatisfait, et en général, ca rime avec bosseur...)
Francois
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