
et l'IA accapare les postes des jeunes diplômés
Le marché de l'emploi dans le secteur de la technologie se rétrécit alors que l'IA redéfinit les exigences de l'industrie. Une nouvelle étude rapporte qu'un diplôme universitaire ne garantit plus un travail qualifié dans l'économie mondiale de l'emploi de plus en plus tournée vers l'IA. Les emplois à distance, qui étaient autrefois synonymes de liberté, enferment désormais les professionnels dans des cycles de sous-emploi numérique. Les professionnels de niveau intermédiaire se contentent de petits boulots pour survivre alors que les postes techniques restent hors de portée. Et les postes autrefois réservés aux jeunes diplômés disparaissent au profit de l'IA.
L'étude, menée par Global Work AI, une place de marché en ligne pour les travailleurs indépendants, a analysé les données de plus de 5 millions d'utilisateurs. Elle a révélé que le sous-emploi n'est plus confiné aux économies locales ou aux populations immigrées. Au contraire, il se répand dans le paysage mondial du travail à distance, où le niveau d'éducation ne garantit plus la pertinence de l'emploi ou la sécurité économique. Ce qui préoccupe les travailleurs.
Selon le rapport, des « spécialistes qualifiés » recherchent activement des emplois non qualifiés, notamment dans les domaines de la saisie de données, du service client et de l'assistanat, même si 62,75 % des demandeurs d'emploi ont suivi des études supérieures. Ils sont en concurrence avec l'IA pour ces postes.
Selon les données démographiques, les femmes représentent plus de 70 % des utilisateurs de la plateforme, tandis que les hommes représentent un peu moins de 30 %, et que les millennials et les « late Zoomers » (âgés de 25 à 40 ans) représentent près de deux tiers de tous les demandeurs d'emploi. La majorité des utilisateurs sont des professionnels de niveau intermédiaire, soit 30,37 %, contre 7,38 % de personnel junior et seulement 3,47 % de cadres.
« Les spécialistes de niveau intermédiaire font partie des employés les plus vulnérables », note le rapport, ajoutant que les récents licenciements ont poussé beaucoup d'entre eux à se tourner vers des activités parallèles et des projets pour maintenir leur revenu. Le rapport souligne également que les possibilités de travail à distance ont alimenté la migration de la main-d'œuvre numérique, en particulier des économies émergentes vers les pays plus riches.
Émigration numérique et disparités
Les professionnels de pays comme le Nigeria, l'Inde et les Philippines utilisent leurs compétences en anglais pour obtenir des emplois dans les pays anglophones, et gagnent souvent beaucoup plus que dans leur pays d'origine. À titre d'exemple, un dentiste très expérimenté au Nigeria peut gagner environ 1 885 dollars par mois, alors qu'un emploi de saisie de données à distance pour une entreprise basée aux États-Unis peut rapporter plus de 4 000 dollars.
Cette évolution n'est toutefois pas uniforme. Les pays à IDH (Indice de Développement Humain) élevé, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, affichent généralement une préférence pour les emplois à distance au niveau national. En revanche, les pays à IDH moyen, tels que le Mexique et la Colombie, manifestent un vif intérêt pour les opportunités de travail à distance, mais se concentrent essentiellement sur les marchés intérieurs.
Selon le rapport, les pays où la langue maternelle est largement dominante ont tendance à afficher des taux de migration numérique plus faibles. Même s'ils ont accès aux meilleurs sites d'emploi ou aux créateurs de CV, de nombreux professionnels sont contraints de revoir leurs ambitions à la baisse.
Ralentissement du marché de l'emploi dans le secteur de la technologie
Il y a quelques années en arrière, le secteur technologique était confronté à ce que les experts appelaient la « Grande Démission ». Le terme désigne la vague de démissions professionnelles de grande ampleur qui a commencé vers l'été 2020 aux États-Unis avant de gagner le reste du monde. Des millions de travailleurs insatisfaits de leur travail ou de leur salaire quittaient leur emploi, ce qui avait laissé les entreprises face à une pénurie de main-d'œuvre.
Confrontées à un manque de travailleurs qualifiés et à une concurrence féroce, certaines entreprises allaient jusqu'à offrir aux candidats de l'argent pour passer un entretien et des avantages supplémentaires s'ils restent. En février 2022, les données de la société de formation Global Knowledge avaient révélé qu'environ 76 % des décideurs informatiques mondiaux étaient confrontés à des pénuries « critiques » de compétences au sein de leurs équipes.
Des recruteurs s'étaient tournés vers des régions comme l'Amérique latine pour tenter de recruter des travailleurs à domicile bon marché. Aujourd'hui, la tendance s'est inversée de façon spectaculaire. La « Grande Hésitation » s'est installée à la suite des vagues de licenciements massifs et l'essor de l'IA.
Ceux qui ont un emploi ne bougent pas, essayant de trouver comment ils peuvent rester pertinents avec le passage à l'IA et la menace permanente de licenciements. Les demandeurs d'emploi constatent que les recruteurs insistent pour que les prétentions salariales soient divulguées dès le premier appel téléphonique, que les offres d'emploi sont retirées à la dernière minute et que les agents d'IA éliminent leur CV avant qu'il n'arrive devant un humain.
D'après les données de l'association professionnelle CompTIA, l'emploi dans les domaines technologiques, tous secteurs confondus, a diminué d'environ 214 000 postes en avril 2025. CompTIA s'appuie sur l'analyse les données du Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics - BLS) des États-Unis. Les données du BLS indiquent que le taux de chômage dans le secteur technologique américain est passé de 5 % le mois précédent à 4,6 %.
Toutefois, selon Victor Janulaitis, directeur général de Janco Associates, 5 à 6 % des professionnels de l'informatique au chômage ont quitté le secteur au cours de cette période. Les entreprises technologiques continuent de réduire leurs effectifs, remettant ainsi de nouveaux talents sur le marché.
Les travailleurs IT démoralisés face aux vagues de licenciements et à l'IA
Ces derniers mois, le moral s'est effondré dans le secteur de la technologie. Les géants du secteur (Google, Meta, Amazon, Microsoft…) ont lancé d'importantes vagues de réductions d'effectifs, semant l'inquiétude chez les employés survivants. Auparavant choyés avec de généreux avantages, les salariés de la Tech se retrouvent à travailler plus et à craindre de figurer sur la prochaine liste de licenciement. Les chiffres illustrent l'ampleur du phénomène.
Selon le site Layoffs.fyi, qui suit les licenciements dans le secteur technologique, plus de 150 000 postes ont été supprimés en 2024, répartis sur près de 550 entreprises. La saignée se poursuit en 2025, avec plus de 22 000 emplois supprimés au cours du premier trimestre (dont 16 084 rien qu'en février). Au début du mois de mai, Microsoft a annoncé le licenciement de 6 000 employés dans le cadre d'une nouvelle politique de réduction des coûts.
« Il ne s'agit pas seulement des Amazones et des Google. Il s'agit de toutes les entreprises de taille moyenne qui disposent d'un département informatique de 20 à 100 personnes », a déclaré Victor Janulaitis, qui analyse également les données du Bureau des statistiques du travail des États-Unis.
Victor Janulaitis affirme que la taille du marché de l'emploi dans l'informatique a diminué et que les codeurs en début de carrière ont été particulièrement touchés, car une grande partie de leur travail peut désormais être effectuée par l'IA. « Un poste qui a été éliminé de presque tous les départements informatiques est celui de programmeur informatique débutant, d'analyste informatique, de quelqu'un qui a un diplôme en informatique », a-t-il déclaré.
Selon les données publiées par l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) en avril 2025, le marché de l'emploi cadre a subi en 2024 une sévère baisse, le pire étant -18 % en informatiques, et -19 % pour le recrutement de juniors. Les analystes de l'APEC s'attendent à ce que la baisse s'empire en 2025. Le rapport prévoit qu'en 2025, le volume des recrutements de cadres devrait poursuivre sa baisse, mais différents aléas entourent cette prévision.
La pire conjoncture pour les jeunes diplômés : l'ombre grandissante de l'IA
La conjoncture économique présente un défi de taille pour les jeunes diplômés entrant sur le marché du travail. L'IA réduit déjà le nombre d'emplois de débutant dans le secteur de la technologie. Selon plusieurs analyses récentes, les promotions actuelles de diplômés se heurtent à des difficultés sans précédent pour décrocher leurs premiers emplois, marquant ainsi le pire marché de l'emploi pour les postes de niveau débutant depuis des années.
Cette situation est exacerbée par une série de facteurs économiques, mais l'ombre la plus préoccupante est sans aucun doute l'IA et la perspective imminente qu'elle finisse par automatiser de nombreuses tâches actuellement dévolues aux employés débutants. Mais tout n’est pas perdu. En adoptant une stratégie adaptée à cette nouvelle donne, les jeunes talents peuvent non seulement rebondir, mais aussi tirer profit de la mutation en cours.
Le taux de chômage des diplômés âgés de 22 à 27 ans a atteint 5,8 % au début du printemps, selon les données de la Banque fédérale de réserve de New York, son niveau le plus élevé depuis environ quatre ans, et bien au-dessus de la moyenne nationale. Selon un rapport récent de SignalFire, l'embauche de jeunes diplômés a chuté de 25 % en 2024 par rapport à 2023 et 37 % des employeurs préfèrent désormais embaucher une IA pour les tâches banales.
Gabe Stengel, fondateur de Rogo, une startup spécialisée dans l'analyse financière à l'aide de l'IA, a commencé sa carrière à la banque d'investissement Lazard, où il a aidé de grandes sociétés pharmaceutiques à acheter des startups biotechnologiques. Aujourd'hui, il a presque entièrement automatisé ce travail.
« L'outil de Rogo peut faire presque tout le travail que j'ai fait dans l'analyse de ces sociétés. Nous pouvons rassembler les documents, faire preuve de diligence à l'égard de la société, examiner ses états financiers », a-t-il déclaré sur scène lors du récent sommet de la technologie financière de Newcomer. Cela signifie que l'IA réduit déjà le nombre d'emplois technologiques de base, mais également les opportunités pour les débutants dans d'autres secteurs.
Acquérir de l'expérience à l'ère de l'IA : un défi pour les jeunes diplômés
Bien que la menace de l'IA sur les emplois peu qualifiés soit réelle, le besoin des entreprises technologiques en professionnels expérimentés continue d'augmenter. Selon le rapport de SignalFire, les Big Tech ont augmenté leurs recrutements de 27 % pour les professionnels ayant entre deux et cinq ans d'expérience, tandis que les startups ont embauché 14 % de personnes en plus dans cette même tranche d'ancienneté, bien qu'elles ne soient pas non plus l'abri.
Un paradoxe frustrant se dessine pour les jeunes diplômés : ils ne peuvent pas être embauchés sans expérience, mais ils ne peuvent pas non plus acquérir de l'expérience sans être embauchés. Si ce dilemme n'est pas nouveau, Heather Doshay, partenaire de SignalFire pour les personnes et les talents, affirme qu'il est considérablement exacerbé par l'IA. Heather Doshay conseille aux jeunes diplômés de maîtriser les outils d'IA pour optimiser leur chance.
Il est peu probable que la nouvelle étude de SignalFire choque les acteurs du monde de la technologie. Plusieurs grandes entreprises technologiques ayant remplacé leur personnel par l'IA au cours des derniers mois, on pense depuis longtemps que l'heure est venue pour ceux qui occupent des emplois susceptibles d'être automatisés. Néanmoins, ces preuves de plus en plus nombreuses risquent de ne pas susciter l'enthousiasme dans certains milieux.
« L'IA ne vous prendra pas votre emploi si vous êtes celui qui sait le mieux l'utiliser », a-t-il déclaré. Mais les gains de productivité liés à l'IA font l'objet de débat, notamment dans le rang des programmeurs. « Je suis un peu terrifié à l'idée de voir le langage d'assemblage généré par l'IA », a écrit un critique.
Microsoft a licencié 6 000 employés lors d'une vaste vague de licenciements en mai, et les programmeurs étaient parmi les plus touchés. Bien que l'entreprise n'ait pas explicitement indiqué que l'IA en était la raison, les licenciements ont fait suite aux commentaires du PDG Satya Nadella selon lequel environ 30 % du code de l'entreprise est désormais écrit par l'IA. Toutefois, les employés de Microsoft affirment que l'IA est loin d'être un outil fiable et efficace.
Source : Global Work AI
Et vous ?






Voir aussi



Vous avez lu gratuitement 1 209 articles depuis plus d'un an.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.