
quelles compétences cultiver pour rester pertinent en début de carrière ?
La conjoncture économique actuelle présente un défi de taille pour les jeunes diplômés entrant sur le marché du travail. Selon plusieurs analyses, les promotions actuelles de diplômés se heurtent à des difficultés sans précédent pour décrocher leurs premiers emplois, marquant ainsi le pire marché de l'emploi de niveau d'entrée depuis des années. Cette situation est exacerbée par une série de facteurs économiques, mais l'ombre la plus préoccupante est sans aucun doute l'intelligence artificielle et la perspective imminente qu'elle finisse par automatiser de nombreuses tâches actuellement dévolues aux employés débutants. Mais tout n’est pas perdu. En adoptant une stratégie adaptée à cette nouvelle donne, les jeunes talents peuvent non seulement rebondir, mais aussi tirer profit de la mutation en cours.
Contexte
Historiquement, les postes de niveau d'entrée ont servi de tremplin, permettant aux jeunes professionnels d'acquérir une expérience précieuse, de développer leurs compétences et de construire leur réseau professionnel. Ces rôles offrent souvent une introduction aux opérations commerciales, aux interactions avec les clients et aux aspects fondamentaux d'un secteur donné. Cependant, le paysage de l'emploi évolue rapidement, et l'émergence de l'IA est en train de redéfinir la nature même du travail de niveau d'entrée.
L'IA, avec ses capacités d'apprentissage automatique et de traitement des données, est de plus en plus capable d'accomplir des tâches répétitives, basées sur des règles et nécessitant peu d'autonomie décisionnelle. Ces types de tâches correspondent précisément à une grande partie du travail traditionnellement confié aux jeunes diplômés. De la saisie de données et du service client de base à l'analyse préliminaire et à la gestion de documents, l'IA peut potentiellement effectuer ces tâches plus rapidement, avec une plus grande précision et à un coût potentiellement inférieur pour les entreprises.
Les conséquences pour les jeunes diplômés sont multiples. La raréfaction des postes de niveau d'entrée signifie une concurrence accrue pour ceux qui restent disponibles. Les employeurs peuvent se permettre d'être plus sélectifs, exigeant parfois des compétences et une expérience que les nouveaux diplômés ne possèdent pas encore. Cette situation peut entraîner des périodes de chômage prolongées ou le recours à des emplois sous-qualifiés, freinant la progression de carrière et la stabilité financière des jeunes.
La situation des jeunes diplômés
Le taux de chômage des diplômés âgés de 22 à 27 ans a atteint 5,8 % au début du printemps, selon les données de la Banque fédérale de réserve de New York, son niveau le plus élevé depuis environ quatre ans, et bien au-dessus de la moyenne nationale.
Les entreprises ont réduit le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur qu'elles prévoyaient d'embaucher ce printemps ; il est désormais plus difficile de décrocher un poste de débutant dans l'une des grandes banques que d'entrer à l'université de Harvard. (Chez Goldman Sachs Group Inc, le taux d'acceptation pour la promotion de stagiaires de 2024 n'était que de 0,9 %). En fait, selon Oxford Economics, depuis le milieu de l'année 2023, 85 % de la hausse du taux de chômage est due aux nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Pour ceux qui commencent leur carrière, même une courte période sans travail peut avoir des effets à long terme. Selon le Center for American Progress, un organisme de recherche sur les politiques publiques, une personne qui connaît six mois de chômage à l'âge de 22 ans peut s'attendre à gagner environ 22 000 dollars de moins au cours de la décennie suivante. C'est un moment délicat pour une cohorte qui a déjà vu des années clés de son éducation perturbées par la pandémie de Covid-19.
« J'ai été totalement déconcerté par le marché de l'emploi », déclare Jack McDonagh, 21 ans, diplômé de l'université Fordham le mois dernier et à la recherche d'un poste dans le domaine du marketing à New York. « Vous ne pouvez pas comprendre à quel point le marché est compétitif tant que vous n'avez pas postulé à 50 emplois et que vous n'avez reçu aucune réponse ». Les entreprises d'un grand nombre de secteurs, y compris la société énergétique Chevron, le fabricant de chaussures Nike et les géants de la technologie Microsoft et Amazon.com ont licencié des employés ; le gouvernement fédéral a fait de même.
Toutes les filières ne sont pas touchées de la même manière. Le taux de chômage parmi les diplômés de l'enseignement supérieur qui ont étudié les services de construction, par exemple, n'était que de 0,7 % selon les données les plus récentes ; pour les sciences de la nutrition, c'est un taux impressionnant de 0,4 %, selon les données de la Fed de New York. Toutefois, les diplômés en génie informatique, qui figuraient autrefois parmi les spécialités les plus recherchées, affichent le troisième taux de chômage le plus élevé pour les jeunes diplômés, soit 7,5 %, après les diplômés en anthropologie et en physique. Et si l'emploi dans les domaines de l'informatique et des mathématiques pour les plus de 27 ans a augmenté de 0,8 % depuis 2022, selon Oxford Economics, il a chuté de 8 % pour les diplômés plus récents.
L'IA : un « briseur » d'emplois de premier échelon
L'IA y est pour quelque chose. Dans une récente enquête menée auprès de cadres sur LinkedIn, plus de 60 % d'entre eux ont déclaré que l'IA finira par prendre en charge certaines des tâches actuellement assignées aux employés débutants, en particulier les rôles les plus banals et les plus manuels. Des PDG comme Dario Amodei d'Anthropic prévoient que l'IA pourrait éliminer jusqu'à la moitié de tous les emplois de bureau de premier échelon, entraînant une augmentation du chômage de 10% à 20% dans les cinq prochaines années. Pour sa par, Mark Zuckerberg, président-directeur général de Meta Platforms Inc., a parlé publiquement de l'utilisation d'ingénieurs en IA pour effectuer une grande partie du codage de base, de niveau intermédiaire, dès cette année.
Concrètement, l'IA prend en charge des tâches qui étaient traditionnellement le pain et le beurre des jeunes recrues :
- Service client et support : les chatbots et assistants virtuels gèrent de plus en plus les requêtes initiales.
- Saisie et traitement des données : ces rôles sont fortement automatisés.
- Débogage de code simple et révision de documents : dans le domaine de la tech et du droit, l'IA accélère considérablement ces processus.
- Mises à jour de tableaux et recherches de données financières : les juniors analystes à Wall Street voient leurs tâches répétitives assumées par l'IA.
Cela signifie que les entreprises peuvent désormais faire effectuer des tâches qui nécessitaient auparavant plusieurs employés juniors par un seul expert ou un outil d'IA. Pour les nouveaux diplômés, cela réduit les opportunités de « faire ses preuves » et d'acquérir les compétences de base nécessaires pour progresser.
Anna Steinmeyer, 23 ans, pense que les progrès de l'IA expliquent en partie pourquoi elle a du mal à trouver un emploi à temps plein. Cette native de Chicago, diplômée de l'American University au printemps 2024, postule chaque semaine à 10 ou 20 offres d'emploi, mais n'arrive presque jamais à l'étape de l'entretien. La plupart des emplois qu'elle recherche sont des postes d'assistante administrative ou des postes dans des agences de marketing. Bien qu'elle ait espéré obtenir un emploi dans le domaine de la production théâtrale, elle a élargi ses recherches, car « beggars can’t be choosers » (ceux dans le besoin n'ont pas le luxe de choisir), dit-elle. « La croissance et l'évolution de la technologie ont rendu certaines de ces tâches obsolètes », explique Steinmeyer. « Il est plus facile d'utiliser la technologie que de payer une personne ».
37 % des employeurs préfèrent embaucher une IA plutôt qu'un jeune diplômé de la génération Z
Selon une enquête de la Hult International Business School, environ 37 % des employeurs ont déclaré qu'ils préféraient embaucher l'IA plutôt qu'un jeune diplômé. Dans le cadre de l'étude, 1 600 employeurs ont été interrogé et 96 % d'entre eux ont déclaré que la plupart des formations universitaires ne préparent pas du tout les gens à leur travail.
Au total, 89 % d'entre eux ont déclaré qu'ils évitaient d'embaucher des jeunes diplômés.
Ce sentiment reflète un décalage croissant entre les études universitaires et les compétences dont les employés ont besoin pour réussir en début de carrière. Dans l'enquête de Hult, 77 % des jeunes diplômés ont déclaré avoir appris davantage en six mois de travail qu'au cours de leurs quatre années d'études.
L'enquête a également révélé que les entreprises, malgré leur recours privilégié à l'IA, peinent à trouver des talents. La quasi-totalité des dirigeants, soit 98 % d'entre eux, ont déclaré que leur organisation avait du mal à trouver des talents.
En ce qui concerne les raisons pour lesquelles ils ne veulent pas embaucher de jeunes diplômés, 60 % d'entre eux déclarent que les travailleurs n'ont pas d'expérience pratique et 55 % qu'ils ne travaillent pas bien au sein d'une équipe.
En réfléchissant à leur propre expérience universitaire, 94 % des jeunes diplômés regrettent leur diplôme et 43 % se sentent condamnés à l'échec parce qu'ils n'ont pas choisi le bon diplôme.
Les juniors n'ont pas les connaissances essentielles pour créer des logiciels sécurisés
De nombreux rapports indiquent que les employeurs se plaignent de l'état déplorable des connaissances informatiques des employés de la génération Z. Un rapport publié en février 2024 par la Linux Foundation Research et de l'Open Source Security Foundation (OpenSSF) indique que de nombreux développeurs n'ont pas les connaissances et les compétences essentielles pour développer efficacement des logiciels sécurisés. Près d'un tiers des développeurs logiciels ne sont pas familiers avec les pratiques de développement de logiciels sécurisés. Le rapport indique que l'éducation et la formation sont requises.
Par ailleurs, selon une étude publiée en 2023 par Dell Technologies, les membres de la génération Z estiment que l'école ne leur donne pas les compétences nécessaires pour survivre dans un monde numérique. Ils reconnaissent la nécessité de développer des compétences numériques pour leur future carrière, mais les membres de la génération Z sont frustrés par le fait que leur éducation ne les ait pas suffisamment préparés au monde du travail.
Selon le rapport, 37 % des répondants à l'étude ont déclaré que l'enseignement scolaire ne leur a pas permis d'acquérir les compétences technologiques dont ils avaient besoin pour la carrière qu'ils envisageaient. Environ 44 % des répondants pensent que les entreprises doivent travailler plus étroitement avec le secteur public, principalement avec le secteur de l'éducation, pour répondre à leur soif d'apprentissage, notamment autour des compétences numériques.
Les cadres interrogés par Intelligent dans le cadre de son enquête ont également déclaré que les jeunes diplômés doivent renforcer leurs compétences techniques et leur éthique de travail. En outre, alors qu'ils rencontrent des difficultés pour faire décoller leurs carrières, les travailleurs de la génération Z se tournent vers ChatGPT pour obtenir des conseils sur le sujet. Une grande partie d'entre eux considèrent d'ailleurs que les conseils de ChatGPT sont meilleurs.
Selon une enquête menée par Intoo et Workplace Intelligence, près de la moitié (47%) des employés de la génération Z disent obtenir de meilleurs conseils de carrière de ChatGPT que de leurs managers sur le lieu de travail. Les membres de la génération Z perçoivent leurs managers comme trop occupés, trop focalisés sur leur propre carrière, ou pas assez compétents ou intéressés pour aider leurs subordonnés à se développer professionnellement.
Les jeunes diplômés ne sont pas condamnés à l’invisibilité
Alors que l’intelligence artificielle redéfinit les contours du monde du travail, les jeunes diplômés se retrouvent face à un défi inédit : les postes d’entrée de gamme disparaissent progressivement, absorbés par l’automatisation et la rationalisation. Mais tout n’est pas perdu. En adoptant une stratégie adaptée à cette nouvelle donne, les jeunes talents peuvent non seulement rebondir, mais aussi tirer profit de la mutation en cours.
Adopter une posture proactive et construire son employabilité
Avec moins de postes de niveau d'entrée traditionnels, il faut être proactif :
- Projets personnels et freelancing : créez vos propres projets ou proposez vos services en freelance. Cela permet non seulement d'acquérir de l'expérience et de construire un portfolio, mais aussi de démontrer votre autonomie et votre capacité à résoudre des problèmes.
- L'entrepreneuriat : l'IA réduit les barrières à l'entrée pour la création d'entreprise. Les jeunes peuvent utiliser des outils d'IA pour développer des produits, des services ou des plateformes innovantes à moindre coût et avec plus de rapidité.
Développer des compétences "anti-IA" et "pro-IA"
L'erreur serait de chercher à concurrencer l'IA sur son propre terrain. Au lieu de cela, les jeunes doivent se concentrer sur ce que l'IA ne sait pas (encore) faire et sur la manière de travailler avec elle :
- Compétences humaines inimitables : Cultivez la pensée critique, la créativité, l'intelligence émotionnelle, le leadership, la résolution de problèmes complexes et la communication interpersonnelle. Ces compétences sont essentielles pour des rôles qui exigent du jugement, de la stratégie et de l'interaction humaine.
- Maîtrise des outils d'IA : Apprenez à utiliser l'IA comme un outil puissant. Cela inclut la compréhension des principes de base de l'IA, l'utilisation de logiciels et de plateformes basés sur l'IA, l'analyse de données générées par l'IA, ou même la programmation de prompts efficaces pour les modèles génératifs. Savoir "parler" à l'IA et interpréter ses résultats sera une compétence précieuse.
- Compétences hybrides : Visez les domaines où les compétences techniques (souvent renforcées par l'IA) rencontrent des compétences humaines. Par exemple, un spécialiste du marketing qui sait analyser des données IA pour affiner une stratégie créative, ou un ingénieur qui utilise l'IA pour optimiser des processus de conception.
Adopter l'apprentissage continu comme philosophie de vie
Le diplôme n'est plus la fin de l'apprentissage, mais le début. Les jeunes doivent s'engager dans un apprentissage tout au long de la vie :
- Formation constante : suivez des cours en ligne (MOOCs), obtenez des certifications dans des domaines émergents (cloud computing, cybersécurité, science des données, gestion de l'IA), et participez à des ateliers ou des bootcamps.
- Veille technologique : restez informés des dernières avancées en matière d'IA et de leurs applications dans votre secteur. Lisez des articles, suivez des experts et participez à des conférences.
- Développer des compétences transversales : ne vous enfermez pas dans une seule niche. La capacité à s'adapter à de nouvelles technologies et à de nouveaux secteurs est cruciale.
Source : données sur le marché du travail
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