Les chercheurs précisent qu'ils n'ont examiné que les entreprises dont les données étaient disponibles pour au moins deux trimestres avant et après l'émission des ordres de retour au bureau. Ils expliquent à ce propos que « Pour recueillir des données sur la rotation des employés, nous suivons la littérature antérieure et obtenons des informations sur les antécédents professionnels de plus de 3 millions d'employés des 54 entreprises qui ont émis des ordres de retour au buureau, auprès de Revelio Labs, un fournisseur de données de premier plan qui extrait des informations des profils LinkedIn des employés. Nous identifions manuellement les employés qui ont quitté une entreprise au cours de chaque période, puis nous calculons le taux de rotation de l'entreprise en divisant le nombre d'employés qui ont quitté l'entreprise par le nombre total d'employés au début de la période. Nous obtenons en sus des informations sur le sexe des employés, leur ancienneté et le nombre de compétences listées sur leur profil LinkedIn individuel, ce qui sert d'indicateur du niveau de compétences des employés. »
L'étude présente toutefois des limites. Les entreprises de plus petite taille et celles qui n'appartiennent pas aux secteurs de la haute technologie et de la finance pourraient présenter des résultats différents. Bien que cela ne soit pas mentionné dans le rapport, le fait de s'appuyer sur des données provenant d'une plateforme de médias sociaux pourrait en sus donner lieu à des inexactitudes, et le nombre de compétences figurant sur un profil LinkedIn pourrait ne pas représenter avec précision le niveau de compétences d'un travailleur. Les chercheurs ont conclu que les taux de rotation moyens des entreprises ont augmenté de 14 % après l'adoption de politiques de retour au travail.
L'étude, intitulée Return-to-Office Mandates and Brain Drain [PDF], a été réalisée par des chercheurs de l'université de Pittsburgh, de l'université Baylor, de l'université chinoise de Hong Kong et de la Cheung Kong Graduate School of Business. L'étude, publiée en novembre, a été repérée ce mois-ci par la publication HR Dive, spécialisée dans les ressources humaines, a été réalisée en collectant des informations sur les annonces de retour au bureau et en s'approvisionnant en données sur Linkedin
Une étude par des chercheurs des universités de Chicago et du Michigan est parvenue à la même conclusion à mi-parcours de l’année : les meilleurs partent dès qu’ils se trouvent sous le coup d’ordres de retour au bureauReturn-to-office (RTO) mandates lead to abnormally high employee turnover, especially for female/more senior/more skilled employees.
— Florian Ederer (@florianederer) December 16, 2024
It also takes significantly longer to fill these job vacancies after RTO mandates. pic.twitter.com/Ewi3V4ZdUg
Les chercheurs se sont appuyés sur les données de CV de People Data Labs pour comprendre l'impact des retours forcés au bureau sur l'ancienneté des employés et le mouvement des travailleurs entre les entreprises. Ils ont constaté une forte corrélation entre les départs d'employés de haut rang directement après la mise en œuvre d'un mandat, ce qui suggère que ces politiques "ont eu un effet négatif sur la durée d'emploi et l'ancienneté de leur personnel respectif". Selon l'étude, les employés de haut rang sont restés plusieurs mois de moins qu'ils ne l'auraient fait en l'absence de mandat et, dans de nombreux cas, ils sont allés travailler pour des concurrents directs.
Chez Microsoft, la part des employés de haut rang dans l'effectif global de l'entreprise a diminué de plus de 5 points de pourcentage après l'entrée en vigueur de l'obligation de retour au bureau, ont constaté les chercheurs. Chez Apple, la baisse a été de 4 points de pourcentage, tandis que chez SpaceX - la seule des trois entreprises à exiger que les travailleurs soient entièrement présents - la part des employés seniors a chuté de 15 points de pourcentage.
« Avec la fin officielle de la pandémie de COVID-19, les débats sur le retour au bureau ont occupé le devant de la scène parmi les entreprises et les employés. Malgré leur omniprésence, les implications économiques des politiques de retour au bureau ne sont pas entièrement comprises. En utilisant 260 millions de CV appariés aux données de l'entreprise, nous analysons les effets causaux de ces politiques sur la durée d'emploi et les niveaux d'ancienneté des employés dans trois des plus grandes entreprises technologiques américaines : Microsoft, SpaceX et Apple. Notre procédure d'estimation est non paramétrique et tient compte de toute l'hétérogénéité de la durée d'emploi et de l'ancienneté des employés dans un cadre de contrôles synthétiques distributionnels.
Nous estimons une réduction de la durée d'emploi contrefactuelle qui augmente pour les employés ayant une durée d'emploi plus longue. De même, nous constatons un déplacement vers la gauche de la distribution de l'ancienneté vers les postes inférieurs au niveau supérieur. Ces changements semblent être dus au départ des employés vers des entreprises plus grandes qui sont des concurrents directs. Nos résultats suggèrent que les politiques de retour au bureau peuvent conduire à un exode des employés seniors, ce qui constitue une menace potentielle pour la productivité, l'innovation et la compétitivité de l'entreprise dans son ensemble », résument les chercheurs.
"Nous constatons que les employés expérimentés impactés par ces politiques dans les grandes entreprises technologiques cherchent du travail ailleurs, emportant avec eux certains des investissements en capital humain et des outils de productivité les plus valorisés", a déclaré Austin Wright, professeur adjoint de politique publique à l'Université de Chicago et l'un des auteurs de l'étude. "Les chefs d'entreprise devraient peser soigneusement les préférences des employés et les opportunités du marché lorsqu'ils décident quand, ou s'ils décident de rendre obligatoire le retour au bureau."
"La technologie est un secteur "où le discours sur le retour au bureau a été le plus animé", a déclaré David Van Dijcke, chercheur à l'université du Michigan qui a participé à l'étude. Microsoft, Apple et SpaceX jouent un rôle prépondérant dans le secteur - collectivement, ils représentent plus de 2 % de la main-d'œuvre technologique et 30 % des revenus de l'industrie, selon les chercheurs - et leur politique en matière de bureau "crée un précédent pour le débat plus large sur le retour au bureau", écrivent les auteurs de l'étude.
"Ces trois entreprises ont également été parmi les premières entreprises de la Big Tech à mettre en place des mandats de retour au bureau en 2022, ce qui a permis aux chercheurs de séparer les effets des mandats des licenciements technologiques généralisés qui ont secoué l'industrie plus tard dans l'année", a déclaré M. Van Dijcke.
Les données à disposition n’établissent pas que les employés sont plus productifs au bureau qu’en télétravail
Ces développements font suite à de précédents qui remettent en question le positionnement des employeurs selon lequel les employés sont plus productifs au bureau. Dans bien de pays au monde, la journée de travail a une durée de 8 heures. Pour un employé de bureau, on arrive au lieu de service, s’installe sur un siège devant un ordinateur et se lance dans ses activités. Mais, lesquelles ? De quoi s’agit-il dans la réalité ? De « 8 heures de travail » ou « 8 heures au travail » ? En d’autres termes, pour combien de temps les travailleurs sont-ils productifs sur une journée de travail ? Dans une publication parue en 2017, Invitation Digital Ltd – une firme de marketing basée au Royaume-Uni – répond aux questions.
L’étude d’Invitation Digital Ltd a porté sur près de 2000 (1989 pour être exact) employés de bureau (à temps plein) âgés de plus de 18 ans et disséminés sur l’ensemble du territoire du Royaume-Uni. En réponse à la question de savoir s’ils se considèrent productifs tout au long d’une journée de travail, la grande majorité (soit 79 %) avait répondu non. D’après les résultats de l’étude, seul le cinquième (donc les 21 % restants) a répondu par l’affirmative. Le sondage avait ensuite révélé que la durée moyenne de productivité sur le lieu de service est de 2 h 53 min, soit moins de 3 h.
D’après l’enquête, si les travailleurs se retrouvaient avec moins de 3 h de productivité sur une journée de travail c’est parce qu’ils étaient la plupart du temps distraits par des activités comme : surfer sur les réseaux sociaux – 47 % (des répondants au sondage) ; lire les sites Web d'actualités – 45 % ; discuter des activités en dehors du travail avec des collègues – 38 % ; préparation de boissons chaudes – 31 % ; pauses cigarettes – 28 % ; messagerie texte et messagerie instantanée – 27 % ; manger par petits bouts – 25 % ; faire de la nourriture au bureau – 24 % ; téléphoner à son partenaire/à ses amis – 24 % ; recherche d'un nouvel emploi – 19 %. Bref, un ensemble de facteurs aisément applicables à la situation de tiers en télétravail.
87 % des participants de l’enquête de Microsoft disent être plus productifs en télétravail. La publication du géant technologique fait suite à une étude d’une équipe de l’université du Texas qui souligne que le travail à distance a zéro impact négatif sur la productivité des travailleurs. Ce serait même plutôt le contraire. L'équipe de l'université du Texas a travaillé sur des données d’un logiciel fourni par une grande entreprise pétrolière et gazière de Houston. Pendant la période d'étude (de janvier 2017 à décembre 2018), l'entreprise a été contrainte de fermer ses bureaux en raison des inondations provoquées par l'ouragan Harvey, ce qui a obligé les employés à travailler à distance pendant une période prolongée.
Les chercheurs ont examiné les données technologiques des employés (le nombre total d'heures travaillées par employé, le temps de travail actif total, l'utilisation du clavier par minute active, l'utilisation de la souris par minute active, les mots tapés par heure et le nombre d'erreurs typographiques par mot tapé) avant, pendant et après l'ouragan Harvey. Ils ont constaté que, bien que l'utilisation totale des ordinateurs ait diminué pendant l'ouragan, les comportements professionnels des employés pendant la période de sept mois de travail à distance sont revenus aux niveaux d'avant l'ouragan. Cette conclusion suggère que le travail à distance n'a pas d'impact négatif sur la productivité des personnes lancées sur la formule télétravail.
Source : Étude (pièces jointes)
Et vous ?
Cette étude est-elle crédible ou pertinente ?
Seriez-vous prêt à démissionner de votre entreprise pour rejoindre une autre qui vous permet de travailler à distance ?
Est-il surprenant que les meilleurs décident de partir des entreprises qui ne leur offrent pas la flexibilité dont-ils ont besoin en termes de télétravail ?
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