Les demandeurs d'emploi sont confrontés une tendance inquiétante : la multiplication des emplois fantômes. De récentes observations montrent que le taux de fausses offres d'emploi sur les plateformes professionnelles telles que LinkedIn et les sites spécialisés est en hausse. Cette situation intervient alors que le marché de l'emploi est très tendu, les centaines de milliers de travailleurs licenciés par les entreprises technologiques s'étant ajoutés aux jeunes diplômés. Les recruteurs et conseillers d'orientation professionnelle mettent en garde contre les objectifs multiples, parfois insidieux, de ces fausses annonces affichées par de vraies entreprises.
Hausse des emplois fantômes servant des objectifs insidieux ou malveillants
Les « emplois fantômes » font référence à des annonces de postes qui ne sont pas réellement ouverts. C'est-à-dire qu'il n’existe aucune réelle intention de recrutement pour les postes concernés. Il s'agit également d'offres d'emploi pour lesquelles la durée de validité est parfois très longue, avec des fourchettes de salaires étonnamment larges. C'est un phénomène très fréquent dans l'industrie technologique et il peut servir plusieurs objectifs internes pour les entreprises.
Des analyses montrent que le phénomène a pris de l'ampleur après l'hécatombe des licenciements dans le secteur technologique. Selon une enquête réalisée en 2024 par MyPerfectResume, 81 % des recruteurs ont admis avoir publié des annonces pour des postes déjà pourvus ou qui n'existaient tout simplement pas. Certains répondants ont confié que les employeurs le faisaient afin de maintenir une présence sur les sites d'emploi et pour constituer un vivier de talents ».
En outre, cette pratique serait également utilisée pour mener une guerre psychologique : 25 % des répondants ont déclaré que les emplois fantômes aidaient les entreprises à évaluer le degré de remplaçabilité de leurs employés, tandis que 23 % ont déclaré qu'ils permettaient à l'entreprise de paraître plus stable lors d'un gel des embauches. De nombreuses entreprises ont gelé les embauches après la crise sanitaire et ont également supprimé des milliers d'emplois.
Selon un autre rapport accablant publié en 2024 par Resume Builder, « 62 % des entreprises ont publié des offres d'emploi fantôme dans le but précis de donner à leurs employés l'impression qu'ils sont remplaçables ». Ces entreprises auraient également fait des annonces pour tromper les employés surchargés en leur faisant croire que d'autres personnes allaient être engagées pour alléger leur charge de travail écrasante. Cependant, il ne s'agit que de stratagèmes.
Un document collaboratif circulant en ligne révèle une liste croissante d'employeurs accusés de publier des offres pour des emplois fantômes. Il s'avère que nombre d'entre eux sont des entreprises technologiques basées en Californie. Certaines entreprises n'ont pas réagi et d'autres ont nié avoir publié de telles annonces.
De nombreux demandeurs d'emploi et travailleurs affirment être démoralisés
Après avoir interrogé 1 641 responsables de recrutement, les chercheurs de Resume Builder ont constaté que « 40 % des employeurs avaient publié de fausses offres d'emploi en 2024 et que trois sur dix avaient actuellement des emplois fantômes affichés sur les sites de publication d'offres d'emploi. L'idée d'afficher de telles offres est principalement venue des ressources humaines, puis des cadres supérieurs et des dirigeants, peut-on lire dans l'article de juin 2024.
Bien que les annonces aient été publiées sur plusieurs plateformes de recrutement, la majorité d'entre elles sont apparues sur LinkedIn et sur les sites Web des entreprises. Les rapports sur le sujet indiquent qu'il semblerait que cette tendance s'installe également dans la région de la baie de San Francisco. Cette tendance inquiétante a de graves conséquences pour les demandeurs d'emploi déjà confrontés à de grands défis par un marché de toujours plus tendu.
John Lovig, recruteur et coach de carrière qui recrute des employés pour des entreprises technologiques dans tous les États-Unis, y compris en Californie, affirme que les emplois fantômes sont un phénomène profondément frustrant pour les demandeurs d'emploi exaspérés et surmenés. « Vous voulez avoir l'impression que vous allez progresser dans votre recherche d'emploi, et c'est un véritable défi lorsque tous les emplois affichés ne sont pas réels », a-t-il déclaré.
S'il est courant que les entreprises encouragent les candidats potentiels à soumettre leur CV pour examen ultérieur, John Lovig estime que cela devient problématique lorsque les entreprises donnent l'impression de recruter activement pour un poste vacant. Selon John Lovig, cela se produit assez fréquemment dans le secteur technologique en particulier, probablement en raison du grand nombre de licenciements survenus au cours de ces trois dernières années.
Et parfois, en plus de récolter des CV, les recruteurs pour des postes de haut niveau font quelque chose que John Lovig trouve encore plus déplorable : ils s'en servent pour établir des réseaux et des relations d'affaires. Bien qu'il n'ait pas voulu révéler quelles entreprises se livraient à ces pratiques, il a indiqué qu'elles se produisaient couramment à l'échelle nationale (aux États-Unis), voire mondiale. John Lovig appelle les demandeurs d'emploi à preuve de vigilance.
Il conseille de travailler en réseau en permanence et de créer un contenu original en ligne. « Il faut toujours, toujours, toujours faire du réseautage l'un des principaux éléments de sa stratégie de recherche d'emploi », recommande-t-il. Cela pourrait être important à l'avenir, car si les entreprises continuent à publier des emplois fantômes sans se soucier du bien-être des travailleurs, il est clair qu'elles sont là pour rester, même si elles semblent manquer d'éthique.
Analyse critique des rapports sur les emplois fantômes
« Il s'agit d'un scénario inquiétant, en particulier lorsque ces offres trompeuses proviennent des départements des ressources humaines, les entités mêmes chargées de façonner des perceptions exactes de leurs organisations. Qu'il s'agisse de créer l'illusion d'une expansion de l'entreprise ou d'encourager un sentiment de remplaçabilité chez les employés, de telles pratiques ne sont pas acceptables », s'est indignée Stacie Haller, conseillère en chef de Resume Builder.
Selon Irene Nexica, coach de carrière et recruteuse dans la technologie, cela ajoute une couche supplémentaire d'inquiétude pour les demandeurs d'emploi. « Dans le marché actuel, ils consacrent déjà beaucoup de temps à la recherche et à la personnalisation de leurs candidatures. L'idée de faire encore plus d'efforts pour savoir si l'offre d'emploi est réelle effraie les gens, et beaucoup de personnes démoralisées qui n'ont pas d'autres choix que de continuer ».
Bien que les emplois fantômes soient un phénomène fréquent dans le secteur de la technologie, certains critiques jugent que les rapports sur le sujet sont exagérés et manquent parfois de détails, notamment sur la méthodologie ou les questions posées. Dans le même temps, certains commentateurs ont déclaré que leurs employeurs ont également déjà publié de fausses offres d'emploi. Certains parmi eux affirment que cela arrive plusieurs fois dans une seule année.
« Nous sommes obligés de publier l'offre d'emploi pour que tout le monde puisse postuler. Même si nous savons à 100 % en interne qui occupera le poste. Nous sommes tenus, par le gouvernement, de publier une offre d'emploi. L'objectif est de donner aux investisseurs l'impression que la situation est meilleure qu'elle ne l'est en réalité, ce qui se traduit par une hausse du cours des actions et des bonus pour les dirigeants », peut-on lire dans les commentaires.
Sources : rapport d'étude (1, 2), liste d'entreprises accusées de publier de fausses offres d'emploi
Plus de 20 000 offres d'emploi de Développeur ou en Informatique
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Le , par Mathis Lucas
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