Nothing ordonne à son tour à ses employés de retourner au bureau à temps plein
Carl Pei, PDG de Nothing, a adressé à ses employés un long courriel dans lequel il a dénigré le travail à distance qui était pourtant jusque-là l'un des principes de la politique de l'entreprise. Il a expliqué les raisons pour lesquelles ses 450 employés doivent être présents au bureau à temps plein. Reconnaissant la nature controversée de la décision, Pei a invoqué la stimulation de la créativité, la nature physique de la fabrication des produits et le niveau d'ambition de l'entreprise pour justifier le retour au bureau. Il estime notamment que Nothing ne pourra pas atteindre ses objectifs avec des employés en télétravail.
« Le travail à distance n'est pas compatible avec un niveau d'ambition élevé et une grande rapidité », a déclaré Carl Pei dans un courriel adressé à son personnel et qu'il a partagé sur LinkedIn. Il rejoint une longue liste de PDG qui prônent le retour au bureau, alors que l'équilibre entre la croissance et le bien-être de leurs employés devient une préoccupation clé des entreprises. Comme souligné ci-dessus, Pei a donné trois raisons pour justifier l'obligation stricte de retour au bureau.
Tout d'abord, la logistique du développement d'un smartphone, où les services de conception, d'ingénierie et de fabrication collaborent, n'est pas propice au travail à distance. Il a ajouté que la créativité et l'innovation fonctionnaient mieux en personne, ce qui permettait à l'entreprise d'en faire plus avec moins de ressources. Troisièmement, Pei a déclaré que "les ambitions de Nothing de devenir une entreprise qui définit une génération ne seraient pas réalisables avec le télétravail".
Selon le courriel de Pei, l'ordre de retour au bureau prendra effet dans deux mois, et il envisage d'organiser une réunion publique à Londres pour répondre aux questions des employés. Quant aux employés qui s'opposeraient à ce mandat, le courriel de Pei se veut clair : le PDG de Nothing a suggéré aux employés qui ne peuvent pas s'engager à passer 5 jours au bureau de chercher un autre emploi. Selon lui, Nothing ne saurait être l'organisation idéale pour tous.
Le courriel de Pei indique : « nous savons que ce n'est pas le bon type d'organisation pour tout le monde, et c'est normal. Nous devons rechercher une adéquation mutuelle. Vous devez trouver un environnement dans lequel vous vous épanouissez, et nous devons trouver des personnes qui veulent aller jusqu'au bout avec nous dans les décennies à venir ». Il est important de rappeler que Carl Pei est un ancien cofondateur de l'entreprise chinoise de smartphones OnePlus.
Apple, avec lequel Nothing veut rivaliser, impose aux employés d'être présents au bureau trois jours par semaine. L'année dernière, il a été rapporté qu'Apple prenait des mesures disciplinaires à l'encontre des employés qui ne respectaient pas cette règle, identifiée par l'enregistrement de leur badge. Certaines divisions du fabricant de l'iPhone auraient même menacé leurs travailleurs de les licencier s'ils ne respectent pas l'obligation d'être présents trois jours par semaine.
L'argument de "niveau d'ambition élevé" avancé par Nothing est fortement controversé
Après avoir rappelé que Nothing est la marque de smartphones qui connaît la plus forte croissance en Inde, Pei a affirmé que l'entreprise n'est actuellement qu'à « 0,1 % de son potentiel » et que le travail à distance ou hybride ne lui permettrait pas de réaliser pleinement son potentiel. Il a souligné que le travail à distance était auparavant une nécessité, ayant démarré l'entreprise pendant la pandémie de Covid-19. Si le personnel du siège londonien de Nothing a jusqu'à présent bénéficié d'un modèle de travail hybride, les employés basés sur les autres sites ont déjà fait la transition vers un mode de travail en présentiel.
Avec cet ordre de retour au bureau, Nothing vient s'ajouter à la cavalcade d'entreprises qui ont mis fin au travail à distance. Parmi les exemples les plus notables de ceux qui exigent un retour au bureau à temps plein, on peut citer les entreprises d'Elon Musk (X, Tesla, etc.), Goldman Sachs et Rockstar Games, l'éditeur de la franchise Grand Theft Auto VI. Musk considère le travail à distance comme une connerie et affirme que les télétravailleurs sont détachés de la réalité.
Des entreprises technologiques comme Amazon et Google ont indiqué à la plupart de leurs employés qu'ils devaient être physiquement présents au bureau au moins trois jours par semaine, contrairement à d'autres sociétés comme Goldman Sachs qui ont mis en place des politiques de retour au bureau à temps plein. Nvidia quant à lui a échappé à l'engouement pour le retour au bureau, indiquant qu'il se satisfait d'une configuration de travail à distance.
Eric Schmidt, ancien PDG de Google, a accusé le télétravail d'avoir fait perdre à l'entreprise son avance en matière d'IA. « Google a décidé que l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et le fait de rentrer tôt chez soi et de travailler à domicile étaient plus importants que la victoire », a-t-il déclaré lors d'une conférence à l'université de Stanford en juillet, en réponse à une question sur les raisons pour lesquelles des startups telles qu'OpenAI dominent la course à l'IA.
« Et si les startups fonctionnent, c'est parce que les gens travaillent comme des fous », a-t-il ajouté. Cette déclaration lui a valu des critiques, mais l'avis Schmidt est partagé par de nombreux PDG de la Silicon Valley et de l'industrie technologique en général. La décision de Pei reflète une tendance croissante dans le secteur de la technologie, où les patrons choisissent de forcer leurs employés à retourner au bureau en quête de croissance, alors que le marché se resserre.
Fondée au plus fort de la pandémie en 2020, Nothing était effectivement à distance lorsque l'entreprise a démarré ses activités avant de passer à l'hybride dans son bureau principal de Londres et dans d'autres lieux. Le jeune fabricant britannique de smartphones a connu un succès rapide et solide, obtenant 96 millions de dollars de financement l'année dernière et vendant 2,7 millions d'unités pour un chiffre d'affaires de près d'un milliard de dollars depuis son lancement.
Les ordres de retour au bureau à temps plein poussent certains talents à démissionner
Pei a admis que certaines entreprises ayant des politiques de travail à distance prospèrent et qu'il perdrait certains employés pour lesquels ce ne serait pas le bon type de configuration. On ne sait pas exactement ce que les contrats de la plupart des employés stipulaient lorsqu'ils ont signé pour Nothing pendant la pandémie. De nombreux travailleurs qui ont été embauchés pendant la pandémie ont vu leur contrat garantir qu'ils ne seraient pas obligés d'être au bureau après la crise. Les employeurs qui ont tenté de rompre ses contrats unilatéralement ont dû faire face à des actions en justice et la fuite des talents.
On ne sait pas non plus combien des 450 employés de Nothing vivent à proximité du bureau. Nombre des employés qui se sont retrouvés en télétravail pendant la pandémie ont déménagé loin des bureaux. Dans le cas de Nothing, les rapports indiquent que de nombreux professionnels ont acheté des maisons en dehors de Londres pendant la pandémie. Beaucoup s'opposent à l'ordre de retour au bureau de Nothing, car cela impliquerait des changements importants pour eux.
Selon certains critiques, les ordres de retour au bureau sont une tentative utilisée par certaines entreprises pour réduire leur personnel sans avoir recours à des licenciements massifs. Toutefois, Nothing, une startup de fabrication de smartphones qui ambitionne de concurrencer Apple, risque fortement de perdre ses meilleurs ingénieurs. Une telle situation pourrait ralentir davantage Nothing que le télétravail qui, selon l'entreprise, ne favorise pas un niveau d'ambition élevé.
Envoyé par Critique
« Certains peuvent s'inquiéter de la flexibilité, mais la situation n'est pas différente de celle qui prévalait avant la pandémie. C'est une entreprise pour adultes, donc si vous devez vous absenter du bureau pour régler certains problèmes, nous vous faisons confiance pour prendre la bonne décision. En fait, certaines fonctions, comme les ventes et les relations publiques, nécessitent d'être régulièrement en déplacement pour rencontrer les clients et la presse », a-t-il déclaré.
Le modèle hybride, qui combine télétravail et présence au bureau, pose de nombreux défis aux entreprises technologiques qui essaient de le mettre en place. Comment maintenir un sentiment de communauté et de culture d’entreprise lorsque les employés sont dispersés géographiquement ? Comment gérer les horaires flexibles tout en garantissant la collaboration ? Ces questions restent au cœur des discussions.
Certains dirigeants d'entreprises font marche arrière face à la révolte des travailleurs
De nouveaux rapports indiquent que les dirigeants d'entreprises font marche arrière face à la révolte des travailleurs après avoir tenté en vain d'imposer le retour au bureau. Selon une analyse de Flex Index, seulement 3 % des entreprises imposent actuellement des ordres stricts de retour au bureau à temps plein. Cette proportion a considérablement diminué par rapport à l’année dernière, où 8 % des organisations appliquaient ces politiques. Les PDG semblent reconnaître la nécessité de flexibilité et de choix pour leurs employés. Ces derniers ignorent de plus en plus les ordres de retour au bureau et démissionnent.
Les travailleurs sont clairs sur le sujet : « le travail au bureau à temps plein n'est plus compatible avec leur mode de vie, et il n'est pas non plus nécessaire pour produire une meilleure version de leur travail ». Selon une étude du cabinet McKinsey, 80 % des salariés interrogés se disent satisfaits du télétravail et 41 % se disent plus productifs qu’avant. Les répondants expliquent en effet télétravail offre de nombreux avantages, tels que la réduction des temps de trajet, la flexibilité des horaires, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ou encore la réduction des coûts liés aux locaux et aux déplacements.
Face à ce constat, certains employeurs ont adopté une politique de télétravail permanente ou hybride, qui combine des jours en présentiel et des jours à distance. C’est le cas par exemple de Facebook, Shopify ou encore Microsoft. Ces entreprises considèrent le télétravail comme un avantage concurrentiel pour attirer et fidéliser les meilleurs talents, notamment dans le secteur du numérique où la demande est forte et l’offre limitée, un marché très tendu.
Le rapport de Flex Index a révélé que 79 % des 2 670 entreprises interrogées proposent un mode de travail flexible en 2024, soit une légère augmentation par rapport aux 75 % d’entreprises en 2023. La plupart des entreprises semblent également accorder plus de choix à leurs employés en matière de politiques de travail. Selon le rapport, plus de la moitié (56 %) des entreprises interrogées ont également adopté un modèle de « choix de l’employé » en 2024.
Il s'agit d'une forme de politique de présence au bureau qui permet aux membres du personnel de façonner leurs arrangements de travail en fonction de leurs besoins individuels. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 38 % d’entreprises utilisant le même modèle en 2023, ce qui en fait désormais la politique la plus populaire parmi les entreprises. Cette approche favorise le maintien d'un équilibre entre la vie professionnelle et personnelle tout en favorisant la productivité.
En revanche, seuls 18 % des entreprises appliquent un « modèle hybride structuré » dans lequel elles imposent les jours où leurs employés doivent se rendre au bureau. Les modèles entièrement à distance sont également en baisse. Flex Index a constaté que seulement 23 % des entreprises ne proposent pas de lieu physique pour que les employés puissent se rendre en personne. Ce chiffre est en baisse par rapport aux 37 % en 2023.
Certaines entreprises ont été vivement critiquées pour leur gestion des politiques de retour au bureau. Dell Technologies, par exemple, a menacé de refuser les promotions ou les changements de poste aux employés refusant de revenir au bureau. Cette approche a suscité une réaction majeure de la part de la main-d’œuvre, montrant ainsi l’importance de la communication et de la compréhension mutuelle.
Source : Carl Pei, PDG de Nothing
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Que pensez-vous des arguments avancés par Nothing pour justifier son ordre de retour au bureau ?
La présence des employés au bureau à temps plein est-elle indispensable pour répondre aux objectifs invoqués par Nothing ?
Pourquoi les ordres de retour au bureau se multiplient-ils ? Le télétravail engendre-t-il de nouveaux frais généraux pour les entreprises ?
Le travail à distance nuit-il à l'engagement des travailleurs et à l'innovation comme certains dirigeants le prétendent ?
Pourquoi les ordres de retour au bureau rencontrent une telle opposition ? La présence au bureau à temps plein est-elle en train de disparaître ?
Quel mode de travail préférez-vous entre le travail au bureau à temps plein, le travail à distance et le travail flexible ? Pourquoi ?
Voir aussi
Elon Musk demande « d'arrêter avec cette connerie de télétravail » qui pose un problème moral car injuste pour les personnes qui ne peuvent travailler à domicile et cause de baisse de productivité
Après avoir tenté d'imposer le retour au bureau, les dirigeants d'entreprises font marche arrière face à la révolte des travailleurs. Une analyse de Flex Index montre qu'ils optent pour la flexibilité
Les employés ignorent désormais les ordres exprès de retour au bureau et considèrent que l'avenir du travail est hybride, selon une étude