Le mois dernier, SAP a ordonné à ses employés dans le monde entier, soit un peu plus de 100 000 travailleurs, de retourner au bureau ou de travailler depuis les installations d'un client 3 jours par semaine à partir d'avril. Il s'agit d'un revirement par rapport à ses politiques de travail flexible introduites en juin 2021, qui permettaient au personnel de travailler à domicile, à distance ou au bureau. Christian Klein, directeur général de SAP, a déclaré que le travail à distance pourrait coûter à SAP sa culture et son esprit d'équipe. Selon lui, les outils de collaboration à distance ne permettent pas de créer des liens solides.
« Je ne crois pas vraiment qu'une plateforme de vidéoconférence permette de comprendre notre culture, de se former et de se donner les moyens de faire son travail au mieux », a déclaré Klein la semaine dernière, à la suite des résultats financiers de l'entreprise. Cependant, un grand nombre de ses employés ne sont pas de cet avis. Une lettre ouverte interne critiquant la politique de retour au bureau de SAP a recueilli plus de 5 000 signatures en moins de deux semaines. Les employés du géant allemand des logiciels menacent de chercher un autre emploi plutôt que d'accepter les nouvelles règles sur le retour au bureau.
« Nous nous sentons trahis par une société qui, jusqu'à récemment, nous encourageait à travailler à domicile, pour ensuite nous demander de changer radicalement de direction », peut-on lire dans la lettre, qui a été publiée en interne et vue par Bloomberg News. Le comité d'entreprise européen de la société, un groupe qui représente les employés de SAP sur le continent, a déclaré que l'exigence d'être de retour au bureau était déraisonnable après que les employés aient été informés qu'ils pouvaient continuer à travailler à distance. Selon les signataires de la lettre, cette nouvelle politique n'est pas soutenable.
Par exemple, la lettre souligne que "l'absence d'augmentations salariales significatives" au fil des ans a contraint le personnel à trouver des moyens de s'adapter. « Pour compenser cela, nous avons profité de la possibilité de travailler à distance et avons déménagé là où le coût de la vie était moins élevé, loin des métropoles coûteuses », indique la lettre. De son côté, SAP a déclaré que le retour au bureau est essentiel pour atteindre ses objectifs, ajoutant que l'entreprise a pris cette décision pour s'aligner sur les meilleures pratiques du marché et sur sa propre expérience en tant que pionnier du travail hybride :
« Trouver le bon équilibre entre le télétravail et le travail au bureau permet de stimuler la productivité, l'innovation et le bien-être des employés. Nous faisons évoluer notre politique de travail flexible pour l'aligner sur les meilleures pratiques du marché et sur notre propre expérience en tant que pionniers du travail hybride ». Selon certains critiques, SAP force les employés à travailler sur site contre leur gré. Par conséquent, cela pourrait ne pas conduire aux résultats escomptés, voire nuire à la productivité des travailleurs. D'autres critiques pensent que SAP pourrait utiliser cette situation pour réduire son personnel.
La grogne monte de plus en plus contre les ordres de retour au bureau dans l'industrie technologie. Les entreprises veulent mettre fin au travail entièrement à distance en exigeant des employés qu'ils se rendent dans un bureau ou chez un client au moins 3 jours par semaine, ce qui peut être considéré comme une politique de travail hybride. Cependant, les travailleurs n'en veulent pas et se rebellent contre leurs employés. De Google à IBM en passant par Amazon, les employés dont les responsabilités peuvent être assumées entièrement à distance s'opposent aux nouvelles règles et menacent même de démissionner.
De nombreuses entreprises ont renforcé leurs exigences en matière de retour au bureau au cours de l'année écoulée, remplaçant les mesures incitatives favorables aux salariés, telles que les subventions pour les trajets domicile-travail, par des mesures plus punitives, notamment des mesures disciplinaires ou une progression de carrière limitée si les objectifs d'assiduité ne sont pas atteints. Au début du mois dernier, IBM a annoncé à ses managers qu'ils sont désormais tenus de s'installer près d'un bureau et de commencer à assister aux réunions trois fois par semaine. Dans le cas, ils sont invités à quitter l'entreprise.
Les ordres de retour au bureau sont souvent considérés comme un facteur d'attrition. Ainsi, les employés de SAP ont écrit dans leur lettre que si la nouvelle exigence est conçue comme une stratégie de réduction du personnel à coût zéro, elle ne fera qu'éloigner les employés talentueux. Ces règles ont été durcies au fur et à mesure que le marché se dégradait et que le risque de suppressions d'emplois faisait pencher la balance en faveur des employeurs. Pourtant, selon les données de la société Kastle Systems, la fréquentation des bureaux est restée relativement stagnante tout au long de l'année 2023.
Moins d'un mois après avoir présenté sa politique de retour au bureau, SAP a annoncé une restructuration qui concernerait 8 000 employés. SAP a déclaré qu'elle identifierait les "efficacités induites par l'IA" dans ses opérations et qu'elle restructurerait certaines parties de l'entreprise pour faire face aux changements. L'entreprise affirme qu'elle prévoit de terminer l'année 2024 avec un effectif similaire à celui d'aujourd'hui. Selon des données compilées par Bloomberg, SAP comptait près de 108 000 employés à la fin du mois de décembre.
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