
Dont certaines indiquent qu’il faudra 283 ans pour arriver à une parité de la main d’œuvre dans la filière
Lorsque l’Institut des Politiques Publiques (IPP) de France a publié son rapport intitulé « Quelle démocratisation des grandes écoles depuis le milieu des années 2000 ? », il en était ressorti que les filles sont toujours minoritaires dans les écoles d’ingénieurs. Quand l’éditeur de jeux vidéo dénommé Blizzard a annoncé son intention de recruter plus de femmes, c’était pour combattre les inégalités de genre dans le domaine. La liste des exemples, qui peut être étendue à souhait, questionne sur les raisons de cet état de choses surtout que les chiffres font dans certains cas état de ce qu’il faudra 283 ans pour arriver à la parité de la main d’œuvre dans la filière.
« En 2022, la main-d'œuvre britannique comptait 380 000 femmes spécialistes des technologies de l'information, soit 20 % du total. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le niveau de représentation des femmes dans l'informatique a augmenté de façon marginale au cours des cinq dernières années, mais de façon constante depuis 2019. Cela dit, la représentation des femmes reste bien inférieure au niveau observé dans l'ensemble de la population active (48 %).
Si les progrès se poursuivent au rythme enregistré ces dernières années, il faudra environ 283 ans pour que la représentation féminine dans l'informatique atteigne le niveau actuel enregistré dans l'ensemble de la main-d'œuvre », indique une récente étude de la BCS.
Ce n’est pourtant pas par manque de compétences des femmes…
Comme le soulignent certaines études qui montrent que les hommes ne sont pas meilleurs que les femmes en maths et en sciences. Fait notable pour les appuyer : une récente étude de Trend Micro révèle que 30 % des cybercriminels sont des femmes. Cela représente un peu moins du tiers de la population des cybercriminels mais paraît saillant à noter quand on sait que les employeurs de la filière sont parmi ceux du grand ensemble IT qui peinent le plus à recruter des talents et donc à trouver des candidats masculins capables de répondre aux besoins de leurs entreprises.
Les communautés en ligne de cybersécurité sont parmi les plus méritocratiques. Les développeurs y sont appréciés pour leurs compétences et leur expérience, et pas nécessairement pour leur sexe lorsqu'il s'agit de mener des missions purement techniques. Dans le rapport de Trend Micro, les chercheurs montrent que si les femmes cybercriminelles sont (encore) minoritaires, elles existent bel et bien, et qu'un enquêteur doit être ouvert à cette possibilité dès le départ.
Il est en général admis que la plupart des cybercriminels sont des hommes. Dans les bulletins d'information des forces de l'ordre et les rapports des médias, il est plus courant d'entendre les enquêteurs utiliser les termes "il" ou "lui" lorsqu'ils font référence à un cybercriminel qui n'a pas encore été identifié.
Programmer : une activité trop contraignante et donc incompatible avec les exigences de la maternité ?
C’est un avis qu’a formulé un ancien responsable technique de Google : « Programmer est un travail à temps plein, brutal et incompatible avec la maternité. » « Les mères reviendraient obsolètes et dépassées après un congé de maternité », a-t-il mis en avant comme motif pour rejeter toutes les femmes face à lui lors d’entretiens d’embauche.
Shyu est d’avis que les femmes devraient exercer comme mères ou épouses (pour tirer parti de leur « force naturelle ») plutôt que comme programmeuses : « Personne n'a demandé de femmes programmeurs. Nous avons demandé des femmes influentes et nous avons eu droit à des "femmes indépendantes" en pantalon. L'indépendance n'existe pas si vous voulez une famille. Une femme devrait avoir pour priorité d'être une bonne mère et une bonne épouse, pas une machine à coder. "Mère/épouse" est un excellent travail. »
Des publications antérieures soulignent un abandon de la filière STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) par les femmes et mettent en avant les différences d’ordre biologique comme justificatif. Dans son étude, Karen Morenz cite la nécessité de trouver un équilibre entre responsabilités professionnelles et familiales comme argument mis en avant par ces femmes.
D’après des statistiques 2018 rapportées par l’universitaire, les départs interviennent dans l’intervalle 30-35 ans ; les concernées entament à peine leur carrière universitaire nanties de leur doctorat, mais « l’horloge biologique » sonne déjà avec acuité. En effet, c’est dans cet intervalle que l’on se met à noter une baisse importante de la fertilité de la femme. C’est aussi celle où les risques liés aux grossesses commencent à devenir plus importants. Chez les hommes, note-t-elle, l’on relève que la baisse de fertilité frappe à la porte autour de 45 ans.
« À ce stade, je dois m'assurer de ce que vous êtes au fait des notions de base en matière de biologie de la reproduction féminine. Selon Wikipédia, à l'âge de 25 ans, le risque de concevoir un bébé avec des anomalies chromosomiques (y compris le syndrome de Down) est de 1 sur environ 1400. À 35 ans, ce risque est plus que quadruplé, soit 1 sur 340. À 30 ans, l'on a encore 75 % de chances d’accoucher dans de bonnes conditions dans l’année qui suit, mais à 35 ans, ce taux chute à 66 % et à 40 ans, il est tombé à 44 %.
Entre-temps, 87 à 94 % des femmes signalent au moins un problème de santé immédiatement après la naissance, et 1,5 % des mères ont un problème de santé grave, tandis que 31 % ont des problèmes de santé persistants à long terme à la suite de la grossesse. De plus, les femmes de plus de 35 ans sont plus concernées par les risques de complications du type accouchement prématuré, hypertension, pré-éclampsie superposée, pré-éclampsie grave. En raison de ces facteurs, les grossesses chez les femmes de plus de 35 ans sont connues sous le nom de " grossesses gériatriques " en raison du risque considérablement accru de complications. Ce délai serré pour les naissances est souvent appelé " l'horloge biologique ". Si les femmes veulent une famille, elles doivent en principe commencer avant 35 ans. Cela ne veut pas dire qu'il est impossible d'avoir un enfant plus tard, mais c'est plus risqué », indique-t-elle.
Conséquence : l’on est plus susceptible de retrouver plus d’hommes à des postes de recherche en STIM, car la plupart des femmes choisissent de contourner les contraintes de leur horloge biologique. Toutefois, Karen Morenz souligne que les institutions qui mettent en place d’excellentes politiques en matière de garde d’enfants et de congés de maternité parviennent à doubler leurs effectifs de femmes dans ces filières en comparaison d’autres qui n’en disposent pas.
Plusieurs autres chercheurs en psychologie sont en accord avec les « différences biologiques » comme explication à la représentation inégale des femmes dans la filière technologique
Lee Jussim
Lee Jussim est professeur de psychologie sociale à l'Université Rutgers et a été chercheur au centre d'études avancées en sciences comportementales de l'Université de Stanford. Lee Jussim estime que « l'auteur de l'essai de Google sur les questions liées à la diversité tire presque tous ses arguments de la science et ses implications sont tout à fait exactes. » En ce qui concerne les commentaires négatifs, il pense également qu’il n'a vu que des insultes et que très peu de commentaires visaient à démonter les arguments de James Damore. « Même la réponse du nouveau vice-président de Google en charge de la diversité fait fi de tous les arguments de l'auteur [du mémo] et affirme vivement l'engagement de Google envers la diversité », a-t-il ajouté. Le professeur en psychologie sociale pense que le texte de l'ex-ingénieur de Google « peut ne pas dire correctement les choses à 100 %, mais ce n'est certainement pas [irrationnel]... L'essai est beaucoup plus réfléchi, soutenu par la science et mieux raisonné que presque tous les commentaires. »
Debra W. Soh
Debra W. Soh est titulaire d'un Ph. D. en neurosciences comportementales et auteur d'écrits scientifiques. Sur la polémique qui a éclaté au sein de Google ces derniers jours, elle partage la même position que Lee Jussim. « En tant que femme qui a travaillé dans le milieu universitaire et dans le domaine des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), je n'ai en aucun cas trouvé le mémo offensant ou encore sexiste. J'ai trouvé que c'était un document bien pensé », dit-elle. « Dans le domaine des neurosciences, les différences sexuelles entre les femmes et les hommes – en ce qui concerne la structure et le fonctionnement du cerveau et les différences associées dans la personnalité et les préférences professionnelles – sont vraies, car la preuve (des milliers d'études) est forte », explique Debra Soh. « Ce n'est pas une information qui est considérée comme controversée ou à débattre ; si vous essayez de faire valoir autre chose, vous ferez l'objet de raillerie. »
Elle précise...
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