Une série d'études avait déjà prédit des vagues de démissions dans les entreprises après les confinements. L’une des raisons mises en avant par les participants à ces études était le besoin d’une ouverture plus importante de leur entreprise au télétravail. Eh oui, les employés ayant pris goût au travail à distance refusent de retourner au bureau. Ils veulent désormais plus de flexibilité, au moins une formule de travail hybride sinon le télétravail en permanence.
Si elles avaient été averties par ces études, certaines entreprises ont demandé à leurs employés de revenir au bureau avec moins de flexibilité pour ceux qui voulaient travailler à distance de manière permanente. C'est le cas par exemple d'Apple qui, en juin 2021, a communiqué ses plans pour un environnement de travail hybride. Ce plan, qui exigeait que la plupart des employés travaillent en présentiel trois jours par semaine, a fait l'objet d'une opposition interne de la part des employés. Ces derniers estimaient que l'entreprise avait adopté une position rigide contre le télétravail et certains ont menacé de démissionner.
Malgré les critiques, Apple a poursuivi ses plans ; ce qui a laissé de nombreux employés mécontents et contraint par exemple son directeur de l'apprentissage automatique, Ian Goodfellow, à démissionner de son poste.
Le cas Apple et bien d'autres laissent à croire que le retour forcé au bureau peut avoir des conséquences néfastes pour les entreprises. C'est d'ailleurs ce que révèlent trois nouvelles études : le Candidate Experience Report de Greenhouse, le Survey of Household Economics and Decisionmaking (SHED) de la Federal Reserve, et le rapport Returning for Good d'Unispace.
Les retours forcés au bureau ont un impact néfaste sur le recrutement et la rétention des employés
Dans l'enquête d'Unispace, la majorité des employeurs interrogés (72 %) exigeaient un retour au bureau, dont près de la moitié (45 %) avec des jours fixes. Les données suggèrent que cette mesure a un impact néfaste sur le recrutement et la rétention des employés.
Le rapport d'Unispace révèle en effet que près de la moitié (42 %) des entreprises qui ont imposé le retour au bureau ont constaté un niveau plus élevé d'attrition des employés que prévu. Et près d'un tiers (29 %) des entreprises qui imposent le retour au bureau éprouvent plus de difficultés de recrutement.
Dans le rapport de la Federal Reserve, ceux qui travaillaient à domicile ont été interrogés sur la probabilité de chercher activement un autre emploi ou de quitter leur emploi si leur employeur exigeait qu'ils aillent au bureau chaque jour. Pour donner un contexte à ces résultats, il a également été demandé aux répondants s'ils se mettraient à chercher activement un emploi si leur employeur gelait leur salaire ou le réduisait dans différentes proportions.
Près de 3 employés sur 10 (28 %) qui travaillaient à domicile au moins une partie du temps ont déclaré qu'ils seraient très susceptibles de chercher activement un autre emploi si leur employeur exigeait qu'ils viennent au bureau chaque jour ouvrable. Notons également que pour les employés qui travaillaient à domicile au moment de l'enquête, l'obligation de venir au bureau chaque jour avait le même effet qu'une réduction de salaire de 2 à 3 %.
Comme le montre le graphique ci-dessous, les employés travaillant à domicile au moins une partie du temps sont plus susceptibles de chercher activement un autre emploi s'il leur est demandé de revenir au bureau à temps plein (28 %) que si leur salaire était gelé (18 %) ou réduit de 1 % (23 %).
Pourcentage d'employés susceptibles de chercher activement un autre emploi ou de quitter leur emploi si leur employeur réduit leur salaire (dans différentes proportions) ou exige le retour au bureau à temps plein. Note : parmi les adultes qui travaillaient pour quelqu'un d'autre et travaillaient à domicile au moins une partie du temps.
L'enquête de Greenhouse indique également que les candidats sont prêts à partir si les entreprises n'adoptent pas le travail hybride.
La grande majorité (76 %) des candidats affirment qu'ils rechercheraient activement un nouvel emploi ou seraient ouverts à cette possibilité si leur entreprise revenait sur ses politiques de travail flexible. De plus, offrir des options de travail hybride peut favoriser l'inclusion. Le Candidate Experience Report de Greenhouse révèle en effet que près d'un quart (22 %) des candidats issus de groupes historiquement sous-représentés sont plus susceptibles de rechercher un emploi si leur entreprise ne propose plus de politiques de travail flexible.
Si les entreprises ne font pas preuve de flexibilité à ce sujet, elles risquent d'avoir du mal à recruter les meilleurs talents - 42 % des candidats disent en effet qu'ils ne postuleront pas à un poste s'il n'offre pas leur modèle de travail préféré. Selon l'enquête, 40 % des candidats préfèrent le modèle hybride, tandis que 12 % préfèrent un aménagement de travail entièrement à distance.
Greenhouse s'est aussi intéressé à ce qui pousse les employés à aller dans une autre entreprise et est arrivé aux facteurs suivants :
- Une rémunération plus élevée (48 %)
- Une meilleure sécurité d'emploi (34 %)
- Des opportunités d'avancement de carrière (32 %)
- De meilleures politiques de travail flexibles (28 %)
- Une culture d'entreprise plus positive (27 %)
En d'autres termes, en excluant les facteurs liés à la carrière tels que la rémunération, la sécurité d'emploi et la promotion, les politiques de travail flexibles sont les facteurs les plus déterminants pour les employés.
Tous ces résultats indiquent que les entreprises doivent trouver la bonne formule en ce qui concerne le travail à distance, sinon elles risquent de perdre des employés clés et avoir des difficultés à recruter.
La limitation des perspectives de carrière et de rémunération, le revers de la médaille du télétravail ?
L'enquête d'Unispace s'est également penchée sur l'impact du travail à distance sur l'évolution de carrière et les perspectives de rémunération des employés.
La majorité des employeurs (84 %) ont indiqué que les perspectives de carrière seraient limitées pour ceux qui travaillent à domicile. Parmi les employeurs qui estiment que c'est le cas, 50 % ont mentionné que les augmentations de salaire seront limitées, 50 % les bonus et 44 % les promotions.
Les employés également en sont conscients : deux tiers (67 %) estimaient que les perspectives de carrière seraient limitées pour ceux qui travaillent à domicile. Parmi eux, 37 % ont indiqué que les augmentations de salaire seraient impactées, 37 % les promotions et 36 % les bonus.
Si 70 % des employeurs interrogés ont indiqué avoir communiqué à leurs employés que la progression serait limitée pour ceux qui ne sont pas au bureau, l'écart de 17 points de pourcentage entre les employés et les employeurs suggère que cela n'a pas encore été pleinement reconnu par le personnel. Cela est également confirmé par le fait que 27 % des employeurs ont révélé que les limitations potentielles sont quelque chose que les employés ressentent globalement, mais qui n'a pas été communiqué directement.
Conclusion
S'il y a un élément qu'on doit retenir des rapports de Greenhouse, de la Federal Reserve et d'Unispace, c'est que les entreprises doivent adopter des politiques de travail flexibles ou risquer de perdre des employés clés et avoir des difficultés à recruter. Cela peut par la suite impacter négativement leur productivité, alors que la recherche de productivité est justement l'un des arguments les plus cités par les entreprises qui appellent les employés à revenir au bureau.
Les employés qui travaillent à domicile à temps plein ou en partie doivent toutefois s'assurer que cela ne soit pas un couteau à double tranchant. Que cela ne limite pas leur évolution de carrière, leurs perspectives de rémunération ou autres avantages. Outre les limites liées aux perspectives de carrière, Mirna Gelleni, stratège de l'environnement de travail et responsable principal des projets de capitaux chez Vodafone Group Services, a par exemple mis en garde contre la limitation des opportunités d'apprentissage et de développement des employés en dehors du bureau.
Sources : Greenhouse, Rapport SHED de la Federal Reserve, Rapport Returning for Good d'Unispace
Et vous ?
Que pensez-vous des résultats de ces différentes études ?
Faites-vous du travail à distance ? Si oui, que feriez-vous si votre entreprise vous demande de revenir au bureau à temps plein ?
Pensez-vous que le télétravail est un risque pour les employés, en termes de perspectives de carrière ou d'opportunités d'apprentissage et de développement ?
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