Alors, le télétravail a-t-il permis aux travailleurs de trouver du temps à consacrer à leur bien-être ou à un second emploi pour gagner plus d'argent ? Eh bien ! Selon un document de travail publié sur le site Web du National Bureau of Economic Research (NBER) des États-Unis par les chercheurs Cevat Giray Aksoy, Jose Maria Barrero, Nicholas Bloom, Steven J. Davis, Mathias Dolls et Pablo Zarate, le travail à distance n'a pas fait gagner beaucoup de temps aux travailleurs. Il a surtout augmenté leur charge de travail. Les chercheurs ont examiné le temps gagné par les employés en télétravail (en évitant les déplacements) dans 27 pays, y compris la France.
En effet, nous passons beaucoup de temps à nous rendre au travail le matin et à rentrer chez nous à la fin de la journée. L'étude du NBER a révélé que les travailleurs à distance gagnent en moyenne 72 minutes par jour en ne faisant pas la navette. Le télétravail aurait permis aux gens d'économiser environ deux heures par semaine en 2021 et 2022 qu'ils auraient autrement passées en voiture ou dans les transports routiers. Et les chercheurs ont estimé qu'après la pandémie, lorsque la poussière sera retombée sur ce que sera l'avenir du travail et la prévalence du bureau, cela permettra d'économiser environ une heure par semaine et par travailleur.
Mais qu'advient-il de ce temps gagné ? En fait, les gens ont tendance à le passer à travailler. En moyenne, sur le temps que les gens gagnent en travaillant à domicile, 40 % sont consacrés à un travail supplémentaire dans le cadre d'un emploi principal ou secondaire. L'étude comprend des données pour les pays du G7. En considérant uniquement les résultats pour le G7, les États-Unis se distinguent particulièrement par le manque de minutes gagnées. Les travailleurs américains gagnent 55 minutes par jour, soit 17 minutes de moins que la moyenne générale des 27 pays. Le chiffre du Japon est supérieur de 28 minutes à la moyenne des 27 pays.
En travaillant à distance, les travailleurs français gagnent en moyenne 62 minutes par jour, parmi lesquelles environ 44 minutes seraient consacrées à un job secondaire, 26 minutes aux loisirs et quelque 14 minutes aux activités de soins. « Les travailleurs à distance consacrent 40 % de leur gain de temps à leur travail et environ 11 % aux activités de soins. Les personnes vivant avec des enfants allouent une plus grande partie de leur gain de temps aux activités de soins », indiquent les chercheurs. Compte tenu de ce chiffre de 40 %, les auteurs de l'étude ont conclu qu'"une grande partie des économies de temps revient finalement aux employeurs".
Dans d'autres pays, comme l'Allemagne et le Japon, les travailleurs à distance utilisent davantage le temps qu'ils n'ont pas à se rendre sur leur lieu de travail pour des activités de loisirs plutôt que pour leur travail. En outre, les chercheurs du NBER ont constaté que 34 % des économies de temps allaient aux loisirs, qui comprennent des activités comme la lecture ou l'exercice. En dehors du G7, c'est en Serbie et en Pologne que le gain de temps est le plus faible. Dans ces pays, les travailleurs à distance gagnent en moyenne respectivement 51 et 54 minutes. En Chine, le gain quotidien est à peine supérieur à celui du Japon, avec 102 minutes.
Outre l'étude des chercheurs du NBER, une analyse de la Fed de New York (Federal Reserve Bank of New York) a montré précédemment comment les travailleurs à distance utilisent leur temps supplémentaire du fait qu'ils n'ont pas à se rendre au travail. « Nos résultats suggèrent que, bien que les individus aient pu augmenter leur temps de travail dans la tranche horaire précise qu'ils utilisaient pour se rendre au travail, le nombre total d'heures de travail rémunéré a diminué en raison de la substitution vers d'autres activités tout au long de la journée », a déclaré la Fed de New York. Rappelons que le télétravail n'est pas largement accepté.
Depuis près d'un an, le monde de l'entreprise s'oppose avec passion à la nouvelle ère du travail à distance, du travail à domicile, de la flexibilité et du retour au bureau dans les faits. James Gorman, PDG de Morgan Stanley, a déclaré la semaine dernière dans une interview accordée à Bloomberg lors du Forum économique mondial de Davos que "le travail à distance n'est pas un choix de l'employé". Il s'est fait l'écho d'un grand nombre de sentiments partagés d'autres PDG qui disent craindre que le travail à domicile n'affecte la productivité (bien que les travailleurs affirment souvent être plus productifs en étant à la maison) et la culture d'entreprise.
Certains PDG - comme Elon Musk, qui dirige plusieurs entreprises, dont Twitter, Tesla, SpaceX et Neuralink - ont mis la pression et exigé que les employés retournent dans les bureaux, avec plus ou moins de succès. Dans l'ensemble, ils estiment que "les travailleurs à distance sont paresseux et improductifs". Et bien sûr, il n'est pas forcément vrai que les employés ne veulent jamais être au bureau. En résumé, il y a un débat intense sur la question et les avis sont mitigés. Parallèlement, d'autres entreprises telles que GitLab ont une politique de travail entièrement à distance. Salesforce quant à lui pense que l'avenir du travail réside dans la flexibilité.
Selon les chercheurs du NBER, les différences entre la façon dont les femmes et les hommes dépensent le temps gagné en travaillant à domicile sont peu significatives. Les hommes auraient tendance à consacrer plus de temps au travail, mais la différence n'est que de 2,4 minutes. Les hommes consacreraient également environ deux minutes de plus aux loisirs. Les femmes consacreraient environ 0,7 minute supplémentaire de leur temps épargné aux soins lorsqu'il n'y a pas d'enfants de moins de 14 ans dans le ménage, mais l'étude affirme que cette différence passe à 2,4 minutes supplémentaires lorsqu'il y a des enfants de moins de 14 ans.
Le NBER a également constaté que le gain de temps quotidien alloué au travail, aux loisirs et à la garde d'enfants augmente avec le niveau d'éducation. « Le travail à domicile et la diminution des déplacements domicile-travail qui en découle ont également des répercussions sur les individus et la société par de nombreux autres moyens. Le travail à domicile élargit la liberté personnelle, améliore la qualité de vie, apporte de nouvelles opportunités d'emploi et renforce le capital social dans les communautés résidentielles », conclut l'étude.
« Plus de travail à domicile signifie également des charges plus légères sur les systèmes de transport et, en particulier, moins de congestion aux heures de pointe. Les données disponibles suggèrent que le travail à domicile réduit la consommation d'énergie et la pollution à l'échelle de l'économie », ont ajouté les chercheurs du NBER.
Source : Rapport de l'étude
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