Après plus de deux ans de pandémie, le retour à la normale est hâté dans tous les secteurs d'activité, notamment dans l'IT. Alors que le travail à distance a permis à plusieurs entreprises de continuer à fonctionner malgré le confinement de la population, il semble déjà que les dirigeants ne veuillent plus en entendre parler. Les entreprises rappellent déjà leurs employés au bureau, alors que les personnes lancées en télétravail n'ont plus envie d'y retourner. Les employés de Google ont repris le chemin du bureau ce lundi 4 avril et Tim Cook d'Apple a rappelé à ses employés que la date de retour au bureau est fixée au 11 avril.
Certaines entreprises ont prévu mettre en place un modèle de travail hybride, un mélange entre le télétravail et le travail au bureau. Le travail hybride fait référence à un éventail de modalités de travail flexibles dans lesquelles le lieu de travail ou les horaires d'un employé ne sont pas strictement standardisés. Le travail hybride ne concerne que l'emplacement (si une personne travaille en personne au bureau, à l'usine ou à un autre endroit) et pas nécessairement les horaires. Au plus fort de la pandémie de la Covid-19, plusieurs études ont rapporté que le travail hybride devrait s'imposer principalement dans le secteur de l'IT à l'avenir.
Laszlo Bock, ex-DRH de Google et actuel PDG d'Humu
Par exemple, Google a expliqué à ses employés qu'ils sont tenus d'être présents dans les locaux de l'entreprise seulement 3 jours sur 5 par semaine. Mais certains pensent que cela est voué à l'échec. En s'exprimant sur le sujet la semaine dernière, Laszlo Bock affirme que cette décision de Google est une manière de "faire bouillir lentement les employés comme dans la fable de la grenouille afin de les faire revenir au bureau, et que cela sera terrible pour le moral et la productivité". Selon Bock, après trois à cinq ans de modèles de travail flexibles et de plans hybrides, l'horaire normal au bureau prévaudra à nouveau chez Google - et au-delà.
Il prévoit que cette transition se fera au cours des prochaines années, expliquant qu'il s'agit de la "méthode pour faire bouillir la grenouille". « Le but de "la méthode pour faire bouillir la grenouille" [est] de le faire subtilement et d'éviter ainsi les questions difficiles et les conflits. Mais ce n'est pas seulement mauvais pour la confiance et le moral, ce n'est pas non plus la meilleure chose pour les employés ou pour l'entreprise », a déclaré Bock. Pour rappel, "le syndrome de la grenouille cuite" est une thèse qui se fonde sur l'idée selon laquelle si l'on plongeait subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échapperait d'un bond.
En revanche, si on la plongeait dans de l'eau froide et qu'on portait très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdirait ou s'habituerait à la température et finirait ébouillantée. Bock a déclaré que ses recherches chez Humu - un fabricant de logiciels de gestion des ressources humaines - montrent effectivement que le mélange parfait de productivité et de bonheur des employés est un horaire 3+2 ((trois jours sur place, deux à distance). Selon lui, cette combinaison donne aux individus la possibilité de nouer des relations au bureau et de travailler sur des tâches individuelles qui sont plus faciles à la maison.
Cependant, Bock ne pense pas que cela va durer. Tout d'abord, il prévoit un système déséquilibré d'évaluation des employés. « Dans le cadre d'un modèle hybride, les travailleurs qui restent à la maison seront désavantagés pour obtenir des promotions, un meilleur salaire et des affectations plus importantes. Il y aura un certain jeu qui les poussera à revenir au bureau », a-t-il déclaré. Bock pense que les travailleurs commenceront probablement à vouloir venir au bureau eux-mêmes lorsqu'ils verront les patrons accorder plus de promotions et d'opportunités aux employés présents dans le bâtiment qu'à ceux qui travaillent à domicile.
La nouvelle dynamique du pouvoir obligera probablement les employés réticents à revenir au bureau lorsqu'ils essaieront de gagner la faveur de leurs superviseurs. Deuxièmement, et c'est peut-être le plus important, les patrons veulent que les gens reviennent. Selon Bock, les cadres de Google et d'autres grandes entreprises sont impatients de retrouver la vie de bureau. Il imagine une transition lente. Voici comment un cadre anonyme lui a récemment présenté la situation : « nous finirons bien par faire revenir tout le monde au bureau. Je ne veux juste pas choisir ce combat maintenant ».
Bock affirme que cela pourrait être dû à l'investissement important que font les entreprises lorsqu'elles achètent des bureaux de luxe. Mais cela pourrait aussi avoir à voir avec le management lui-même. Selon lui, la plupart des cadres travaillent dans des bureaux depuis 20 à 30 ans, ce qui signifie qu'ils s'y sentent plus à l'aise. « C'est l'environnement dans lequel ils savent comment diriger. Ils veulent revenir à ce qui leur est familier, et ils croient que leur expérience l'emporte sur ce que la science de Humu démontre : un modèle hybride est meilleur pour la productivité et le bonheur que d'être au bureau cinq jours par semaine », a-t-il déclaré.
Enfin, Bock estime que les patrons qui cherchent à pousser leurs employés à revenir au siège doivent s'assurer qu'il y a des avantages évidents à venir au travail. Qu'il s'agisse d'offrir des possibilités de coaching en personne ou des déjeuners gratuits, Bock suggère aux employeurs d'indiquer clairement les avantages de travailler au bureau. Il exhorte également les entreprises à s'assurer que leurs promesses ont du poids. « De nombreuses entreprises promettent une excellente expérience au bureau, mais ne tiennent pas leurs promesses », a-t-il ajouté.
Google est l'un des géants technologiques qui expérimentent actuellement un plan hybride. Contrairement à Apple ou Amazon, Google fabrique peu de gadgets ou expédie peu de marchandises, ce qui en fait un candidat idéal pour une main-d'œuvre flexible. Une autre entreprise essentiellement numérique, Meta a proposé le travail à distance à l'ensemble de son personnel, peut-être pour démontrer que le métavers existe bel et bien. Mais plutôt que d'adopter le travail à domicile pour toujours, Google a continué d'investir massivement dans des bureaux et d'aller de l'avant avec son retour.
Ceci malgré les retards dus aux variantes de la Covid et certains signes d'amélioration de la productivité grâce au travail à distance. Cela a agacé certains membres du personnel, notamment après qu'un cadre supérieur ait pu déménager alors qu'ils ne pouvaient pas le faire. Mais l'entreprise a déclaré que 85 % des demandes de personnes souhaitant déménager ou travailler entièrement à distance ont été approuvées. Certains sont toutefois frustrés, car ils ne veulent pas y retourner, et s'attendent à ce que Google soit assez souple quant à ses exigences en matière de présence physique.
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