Google a illégalement sous-payé des milliers de travailleurs temporaires dans des dizaines de pays et a retardé la correction des taux de rémunération pendant plus de deux ans alors qu'il tentait de dissimuler le problème, a indiqué un rapport. Les dirigeants de Google sont au courant depuis au moins mai 2019 que l'entreprise ne se conforme pas aux lois locales au Royaume-Uni, en Europe et en Asie qui obligent les travailleurs temporaires à être rémunérés au même taux que les employés à temps plein effectuant un travail similaire, selon des documents internes de Google et des courriels examinés par le quotidien britannique The Guardian.
Alors que Google est connu pour ses campus somptueux et ses avantages généreux pour ses employés à temps plein, l'entreprise emploie aussi un grand nombre de travailleurs temporaires qualifiés par certains de « main-d'œuvre fantôme ». Bloomberg a détaillé l'utilisation par Google des travailleurs temporaires en 2018, en déclarant : « Ils servent des repas et nettoient les bureaux. Ils écrivent du code, gèrent les appels de vente, recrutent du personnel, visionnent des vidéos YouTube, testent des voitures autonomes et gèrent même des équipes entières - une mer de travailleurs qualifiés qui alimentent l'entreprise de 795 milliards de dollars, mais ne récoltent que quelques-uns des avantages et des opportunités disponibles pour les employés directs ».
Une nouvelle enquête du quotidien The Guardian a donné des détails sur le traitement subit par des travailleurs temporaires chez Google, en déclarant : « Google a illégalement sous-payé des milliers de travailleurs temporaires dans des dizaines de pays et a retardé la correction des taux de rémunération pendant plus de deux ans alors qu'il tentait de dissimuler le problème ».
Pour mémoire, le contrat de travail temporaire (CTT) permet à l'entreprise de faire face à divers aléas sans porter atteinte à l'emploi permanent. Il n'est possible que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire. Il prend fin lorsque la mission est achevée. Il permet à une entreprise de faire appel à une autre entreprise dite prestataire de services (intérim par exemple). Par ailleurs, dans le CTT, il y a une relation triangulaire entre l'entreprise de travail temporaire (agence d'intérim par exemple), le salarié et l'entreprise utilisatrice.
Compte tenu du taux de rotation élevé des travailleurs temporaires, le nombre de travailleurs touchés par l'échec de Google pourrait se chiffrer en dizaines de milliers. Un document montre qu'au 16 février 2021, Google comptait 1 030 travailleurs temporaires dans les pays dotés de lois sur la parité salariale, les plus grands nombres au Royaume-Uni (343), en Inde (222), en Irlande (207) et en Allemagne (59).
Ce document – un audit des pays ayant des lois sur la parité salariale réalisé pour Google par Deloitte – a mis en évidence un autre problème de conformité légale de l'entreprise. Deloitte a signalé que des lois sur la parité salariale avaient été promulguées dans 16 pays où Google employait plus de 350 travailleurs temporaires sans offrir des taux de traitement égaux, notamment l'Argentine, l'Australie, le Brésil, le Canada, Israël, la Suisse et Taïwan.
Les sous-paiements de Google à ses travailleurs temporaires sont substantiels. Une analyse interne a estimé que les dépenses de Google pour 1 200 intérimaires dans les régions EMEA et APAC devraient augmenter de 17,3 millions de dollars pour se conformer aux lois sur la parité salariale, dont 12,65 millions de dollars iront aux travailleurs temporaires sous forme de salaires et de primes accrus (un coût supplémentaire de 4,4 millions de dollars serait le résultat de la majoration estimée de 35 % que les agences de recrutement facturent).
Mais cette analyse était basée sur une proposition visant à corriger les taux pour les nouvelles embauches uniquement, sans fournir d'augmentations ni de rétrocessions aux travailleurs temporaires existants et précédents pour le temps qu'ils ont travaillé à des taux incorrects, suggérant que le montant total des salaires perdus pour les anciens travailleurs est nettement plus élevé.
Les intérimaires individuels ont été payés entre 12 et 50 % de moins qu'ils auraient dû l'être, selon une note interne également de février 2021.
Un autre document montrait que les travailleurs temporaires du département des ressources humaines de Google au Royaume-Uni étaient payés entre 4,10 et 8,25 £ de moins par heure qu'ils n'auraient dû l'être, certains salariés gagnant 14,17 £ au lieu de 18,27 £ et d'autres 21,56 £ au lieu de 29,80 £.
Google était au courant du problème, mais s'est d'abord préoccupé de sa réputation, selon le rapport
Le Guardian dit avoir vu des documents indiquant que Google était au courant de ce problème depuis 2019 et « plutôt que de corriger immédiatement les erreurs, l'entreprise a traîné des pieds pendant plus de deux ans, montrent les documents, citant des inquiétudes concernant l'augmentation des coûts pour les départements qui dépendent fortement des travailleurs temporaires, une exposition potentielle à des réclamations légales et la peur d'une attention négative de la presse ».
À un moment donné, les dirigeants et les avocats de Google ont poursuivi un plan visant à se mettre en conformité lentement et au moindre coût possible, tout en reconnaissant qu'une telle décision n'était pas « le résultat correct du point de vue de la conformité » et pourrait placer les sociétés de recrutement avec lesquelles elle contracte « dans une position difficile, juridiquement et éthiquement ».
Google a admis les échecs et a déclaré qu'il mènerait une enquête après avoir été contacté par le Guardian.
« Bien que l'équipe n'ait pas augmenté les taux de référence des comparateurs depuis quelques années, les taux de rémunération réels du personnel temporaire ont augmenté à plusieurs reprises au cours de cette période », a déclaré Spyro Karetsos, responsable de la conformité de Google, dans un communiqué.
« La plupart des employés temporaires sont payés nettement plus que les taux de comparaison. Néanmoins, il est clair que ce processus n'a pas été géré conformément aux normes élevées auxquelles nous nous tenons en tant qu'entreprise. Nous effectuons un examen approfondi et nous nous engageons à identifier et à corriger tout écart de rémunération que l'équipe n'a pas encore résolu. Et nous procéderons à un examen de nos pratiques de conformité dans ce domaine. En bref, nous allons découvrir ce qui n'a pas fonctionné ici, pourquoi cela s'est produit, et nous allons y remédier ».
Un lanceur d'alerte représenté par Whistleblower Aid a déposé une plainte au sujet des violations présumées auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis.
Bien que le droit international du travail ne relève pas de la compétence de la SEC, la plainte allègue que l'omission de Google de divulguer les obligations de parité salariale, qui, selon elle, pourraient s'élever à 100 millions de dollars, constitue des inexactitudes importantes dans ses rapports financiers trimestriels, une violation de la loi américaine sur les valeurs mobilières.
« La divulgation montre clairement que Google n'a pas seulement enfreint les lois du travail dans le monde, mais a induit les investisseurs en erreur sur les principales responsabilités juridiques et financières », a déclaré John Tye, fondateur et directeur de Whistleblower Aid. « La divulgation légale et anonyme des lanceurs d'alerte est une étape essentielle pour garantir que Google est tenu de rendre des comptes. Nous exhortons la SEC à intenter une action coercitive contre Google et à protéger les droits des investisseurs à recevoir des informations complètes et exactes. »
Une différence dans le paiement
Le problème découle de la grande dépendance de Google à ce qu'il appelle sa « main-d'œuvre élargie », ainsi que de la pléthore de lois locales qui régissent la façon dont ces travailleurs doivent être traités dans les dizaines de pays où Google opère. Google emploie plus de 100 000 intérimaires, fournisseurs et sous-traitants qui ne sont pas directement employés par l'entreprise, mais qui effectuent des travaux en son nom, sur des tâches allant de la restauration et de la sécurité au codage et à l'analyse de données.
La grande majorité de ces travailleurs sont des « fournisseurs » qui travaillent sur des projets à long terme entièrement gérés par l'entreprise du fournisseur, tels que la modération de contenu, et qui ont peu d'interaction avec les employés de Google.
Mais à tout moment, Google emploie également des milliers de travailleurs temporaires. Bien qu'ils soient payés par des agences de recrutement, les intérimaires relèvent directement des responsables de Google. Les départements qui comptent le plus sur les travailleurs temporaires sont le recrutement, le marketing et Waymo, la filiale de véhicules autonomes de Google. À l'échelle mondiale, Google dépense environ 800 millions de dollars par an pour les travailleurs temporaires.
L'utilisation de travailleurs intérimaires est courante dans l'industrie de la technologie, mais la dépendance de Google à l'égard d'une « main-d'œuvre fantôme » qui dépasse en nombre sa base d'employés directs a longtemps suscité les critiques des propres employés de l'entreprise, ainsi que des politiciens et des syndicats.
Plus de 30 pays, dont le Royaume-Uni, les États membres de l'UE, l'Inde et Taïwan, ont promulgué des lois sur la « parité salariale » ou « l'égalité de traitement » qui exigent que les travailleurs temporaires soient traités de la même manière que les employés à temps plein qui effectuent les mêmes tâches ou un travail similaire, conformément aux directives internes de Google sur les lois. Les États-Unis, où sont basés la majorité des intérimaires de Google, ne disposent pas de telles protections.
En général, ces lois exigent un traitement équivalent des intérimaires et des travailleurs à temps plein en ce qui concerne la rémunération, les heures, les pauses, les vacances, les jours fériés et certains avantages. Au Royaume-Uni, la parité salariale est requise après une période de référence de 12 semaines, par exemple, tandis qu'en Irlande, elle est obligatoire dès le premier jour de travail. Certains pays imposent également l'équivalence des avantages et des primes.
L'agence de recrutement et l'entité qui embauche (dans ce cas, Google) partagent la responsabilité d'assurer un traitement équitable, mais il est de la responsabilité de l'entité qui embauche de fournir à l'agence des données précises sur les taux de rémunération.
Des données qui n'étaient pas mises à jour
En 2012 et 2013, Google a entrepris un exercice pour cartographier tous ses travailleurs temporaires dans la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) avec les rôles comparables à temps plein de Google, selon la note interne. L'exercice a produit des taux « de comparaison » que Google a ensuite fournis aux agences de recrutement qui recrutent et emploient son personnel temporaire. L'entreprise a effectué un exercice similaire pour les postes temporaires en APAC (Asie-Pacifique) en 2017.
Depuis que ces exercices ont été effectués, la rémunération des employés à temps plein de Google a considérablement augmenté. La rémunération totale médiane a augmenté de plus de 38 %, passant de 197 274 $ à 273 493 $, entre 2017 et 2020, selon les documents de la SEC.
Mais les taux de comparaison n'ont jamais été mis à jour. « Idéalement, cela serait fait chaque année », lit-on dans le mémo interne de Google sur la question, qui reconnaît qu'il est de l'obligation de Google de maintenir les informations à jour.
Le 15 mai 2019, le problème était connu d'Adrienne Crowther, responsable de l'équipe de main-d'œuvre étendue (xWS) de Google, selon ses commentaires sur le mémo interne.
« Aïe ! Cela semble BEAUCOUP trop ancien », a-t-elle écrit en réponse à la date « 2012-2013 » des données de comparaison.
« En effet », a répondu Alan Barry, responsable de la conformité pour l'équipe de main-d'œuvre élargie de Google. Barry a poursuivi en suggérant que xWS « actualise » les données dans le cadre d'un projet plus vaste visant à assurer une cartographie précise entre les postes temporaires et à temps plein.
Source : Internal Google documents
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Google a sous-payé illégalement des milliers d'intérimaires depuis 2019
Selon un rapport qui précise que Google était au courant de la situation depuis 2019 mais a opté pour la dissimuler
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Le , par Stéphane le calme
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