Des batailles sont à venir pour un télétravail non contraignant
Bien que certains des dirigeants d'entreprises les plus influentes du monde, à l'instar d’Elon Musk de Tesla, se sont montrés réticents face au télétravail, il s'est rapidement répandu comme le virus dont il a aidé à limiter les dégâts. En France, dans la Silicon Valley et ailleurs dans le monde, alors que la mesure du confinement était à son plus haut niveau en 2020, le télétravail couvrait relativement toute la semaine. Plusieurs travailleurs de l'industrie y ont pris goût et s'y sentent à l'aise. Cela laisse désormais les dirigeants face à la question du télétravail permanent après la crise.
Aux États-Unis, près des deux tiers des travailleurs interrogés par McKinsey au début de l'année ont déclaré vouloir travailler à domicile au moins 3 jours par semaine lorsque la pandémie serait terminée. En France, les chiffres se situent dans les mêmes proportions, selon des statistiques établies par certains cabinets de recherche. En outre, deux sondages réalisés en avril sur Developpez.com ont permis de constater que 67 % et 56 % des répondants, respectivement dans le cadre du premier et du deuxième sondage, veulent rester de façon permanente en télétravail après la crise du coronavirus.
Pendant la pandémie, certains travailleurs en télétravail en ont même profité pour déménager. Les avantages du télétravail pour les employés sont plusieurs : pas de coût de transport, une sacrée économie ; pas besoin de dépenser une fortune pour le déjeuner ; possibilité de faire plusieurs boulots à la fois ; on est maître de la gestion de son temps, l'essentiel est de satisfaire le client ; jamais en retard au boulot, peu importe l'heure à laquelle on commence à bosser ; suppression des frais de transports travail-domicile ; super relaxe puisqu’il est possible de regarder son émission préférée pendant qu’on travaille, etc.
Cependant, le télétravail qui s'apparentait à un mode de travail libérateur pour beaucoup pourrait s'avérer finalement être "un moyen de pression" au service des dirigeants. Selon des économistes américains, des batailles sont à venir. En effet, les gens ont tendance à penser que les batailles porteront sur la question de savoir si les employeurs autoriseront le travail à distance à l'avenir. Mais un combat plus contrariant pourrait consister à savoir si les employeurs s'approprient la plupart ou la totalité de ces nouveaux avantages. Selon les économistes, cela ne se traduira pas par une interdiction du travail à distance, mais des ruses.
Par exemple, les dirigeants pourraient exiger davantage d'heures de la part des employés lorsque le marché du travail ne sera pas aussi favorable aux travailleurs qu'il l'est actuellement. En gros, ils pourraient vouloir échanger les avantages du télétravail contre des heures supplémentaires ou plus de travail. D'autre part, plutôt que d'en venir à user de stratagèmes, certains employeurs vont probablement lutter contre la tendance au travail à distance. David Solomon, le directeur général de Goldman Sachs, a qualifié le travail à distance d'"aberration", et les banquiers de la société sont déjà retournés au bureau pendant le mois de juin.
James Gorman, le directeur général de la banque Morgan Stanley, a annoncé que les employés de sa société reviendraient au bureau en septembre et a déclaré : « Si vous voulez être payé au tarif de New York, vous travaillez à New York ». Par ailleurs, d'autres entreprises, comme Salesforce et Microsoft, prévoient la mise en place du travail hybride pour leurs travailleurs après la pandémie. Les statistiques montrent que cette approche a plus de chances de s'imposer que le télétravail permanent. Une étude publiée en avril a révélé que 86 % des professionnels en Europe ne veulent pas rentrer au bureau à plein temps. Ils souhaitent travailler quelques jours au bureau et quelques jours à la maison.
Les économistes pensent que le télétravail devrait perdurer
De nombreux économistes pensent que l'augmentation du travail à domicile perdurera parce qu'elle peut accroître la productivité des employés, grâce notamment à la diminution des réunions inutiles, à la réduction des distractions et, surtout, à l'absence de déplacements. Ils estiment que la suppression des trajets travail-domicile est la plus grande récompense de toutes. Selon le Census Bureau, les Américains ont passé, en moyenne, un temps record de 55,2 minutes par jour à faire la navette en 2019, avant la pandémie. Un Américain sur 10 passait plus de deux heures par jour à se rendre au travail et à en revenir.
En termes de dollars, ne pas avoir à faire la navette cinq à dix heures par semaine revient à obtenir une augmentation de 10 à 20 %. Selon les économistes, pour une personne dont le salaire horaire moyen en 2021 est supérieur à 30 dollars, ce temps vaut de 7 000 à 15 000 dollars par an. D'un autre côté, la valeur monétaire du temps de trajet économisé constituerait l'une des plus importantes réductions d'impôts jamais accordées à la classe moyenne aux États-Unis. « Si votre salaire est supérieur à la moyenne ou si votre trajet domicile-travail est plus long, votre avantage vaut encore plus », ont-ils déclaré.
Ils ont également identifié un autre facteur qui pourrait faire en sorte que les dirigeants continuent à cautionner le télétravail : le manque d'employés. Aux États-Unis, par exemple, le ministère du Travail a indiqué que le nombre de postes à pourvoir a atteint le chiffre record de 9,2 millions en mai. Avec des primes à la signature, de salaires plus élevés et d'avantages sociaux plus étendus, les travailleurs seraient actuellement en position de force. Ainsi, les employeurs pourraient accéder aux désirs des travailleurs. De nombreux commentateurs ont déclaré que les États-Unis entraient dans un "âge d'or" du travail à distance.
En outre, avec tout le temps de trajet libéré, qu'est-ce qui les empêche de demander simplement à leurs employés de travailler plus longtemps à domicile ? Selon les économistes, cela pourrait leur permettre de préparer un rapport avant le début de la réunion le matin, répondre aux courriels, contacter les clients ou pour remplir des formulaires à toute heure du jour ou de la nuit, etc. Cependant, le fait de mêler les lignes entre le travail et le reste de la vie ne doit pas forcément profiter aux travailleurs en fin de compte. En effet, c'est ce qui inquiétait les gens à propos du travail à domicile avant le début de la pandémie.
Les économistes appellent cela une question d'"incidence". Cela ressemblerait exactement à une question d'incidence fiscale : les économistes analysent régulièrement si ce sont les consommateurs ou les vendeurs qui paient réellement lorsque, par exemple, un État augmente sa taxe de vente. Selon un rapport sue le sujet, la première règle de l'incidence est qu'elle dépend des conditions du marché. L'incidence de la prime au travail à domicile dépendra donc de la rareté de la main-d'œuvre à long terme et de la puissance des employeurs. Cela se traduit par la question suivante : qui a le plus besoin de l'autre partie ?
Si les travailleurs ont de nombreuses options et peuvent quitter les emplois qui empiètent sur leur temps, ils auront tendance à conserver la prime. Si les employeurs peuvent choisir parmi de nombreux travailleurs, le travail à domicile peut s'avérer beaucoup moins favorable qu'il n'y paraît à première vue. Selon les économistes, le marché du travail semble serré en ce moment, et si les employeurs imposent des charges supplémentaires aux travailleurs, ce serait probablement une grave erreur.
Ils auraient du mal à attirer du personnel et seraient probablement confrontés à une vague de démissions. Mais cela sera-t-il encore vrai dans quelques années, lorsque les choses seront revenues à la "normale" ?
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