Le télétravail s’est intensifié depuis l’année dernière alors que la pandémie du covid-19 a touché le monde entier. Bien que ce mode de travail à domicile, auquel plusieurs n’étaient pas préparés, a participé à sauver l’économie dans plusieurs pays lors de la crise sanitaire, le recours massif au télétravail a également donné lieu, selon les eurodéputés, à une culture de la « connexion permanente », qui entraînerait des effets néfastes sur l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Le Parlement européen préconise une législation européenne qui accorde aux travailleurs des pays membres le droit de se déconnecter de leurs outils numériques professionnels, sans subir de répercussions négatives.
Le droit de se déconnecter fait référence au droit d'un travailleur de pouvoir se désengager de son travail et de s'abstenir d'effectuer des communications électroniques liées au travail, comme les courriels ou autres messages, en dehors des heures de travail. Ce concept s'est développé grâce aux progrès des technologies de communication et à leur impact sur la vie quotidienne des gens. L'utilisation répandue des téléphones intelligents et d'autres appareils numériques signifie que le fait d'être toujours disponible est devenu une réalité sur de nombreux lieux de travail, car l'accès à distance continu peut créer une pression pour que les employés soient constamment accessibles.
Le télétravail favorise le rallongement des horaires de travail, et l'envoi pernicieux de notifications à tout moment. Selon les recherches d’Eurofound, les personnes qui travaillent régulièrement à domicile sont plus de deux fois plus susceptibles de travailler au-delà du maximum de 48 heures de travail par semaine, par rapport aux personnes qui travaillent dans les locaux de leur employeur. Plus d'un tiers des travailleurs dans l'Union européenne ont commencé à travailler à domicile pendant le confinement, ce chiffre devant rester élevé, voire augmenter. Et près de 30 % de ces télétravailleurs affirment travailler pendant leur temps libre tous les jours ou plusieurs fois par semaine, contre moins de 5 % des personnes travaillant sur site.
L'attente selon laquelle les travailleurs sont disponibles à presque tout moment pour des communications en ligne ou mobiles est désormais considérée comme potentiellement dangereuse pour la santé des travailleurs, d’après les eurodéputés. En effet, la culture de la "connexion permanente" entraîne un risque accru de dépression, d’anxiété et de burnout. Cependant, il n'existait aucun cadre juridique européen avant cette résolution qui définissait et réglementait directement le droit de se déconnecter.
Le Parlement considère le "droit à la déconnexion" comme un droit fondamental. Il demande à la Commission européenne de proposer une législation qui permette à ceux qui travaillent avec des outils numériques de s'en déconnecter en dehors de leurs heures de travail, sans subir de répercussions négatives. Cette législation devrait également fixer des exigences minimales pour le travail à distance et préciser les conditions et les heures de travail, ainsi que les temps de repos.
Pour le rapporteur Alex Agius Saliba, « Nous ne pouvons pas abandonner des millions de travailleurs européens qui sont épuisés par la pression de la connexion permanente et de l’allongement des horaires de travail ». II a ajouté que « Le moment est venu de nous tenir à leurs côtés et de leur donner ce qu’ils méritent : le droit à la déconnexion. C’est essentiel pour notre santé mentale et physique. Il est temps d’adapter les droits des travailleurs aux réalités de l’ère numérique ».
Droit à la vie privée des travailleurs
L'initiative législative a été adoptée par 472 voix pour, contre 126 voix contre et 83 absentions. Dans sa résolution du 21 janvier 2021, le Parlement demande explicitement à la Commission d'inclure le droit à la déconnexion dans sa nouvelle stratégie en matière de santé et de sécurité au travail, et invite en outre les États membres et les employeurs à « veiller à ce que les travailleurs soient informés de leur droit à la déconnexion et qu'ils puissent l'exercer ».
Considérant les progrès des nouvelles possibilités technologiques, à commencer par l'intelligence artificielle, les eurodéputés soulignent qu'ils « ne devraient pas conduire à une utilisation déshumanisée des outils numériques ni susciter des inquiétudes quant au respect de la vie privée et à la collecte disproportionnée et illégale de données à caractère personnel, à la surveillance et au contrôle des travailleurs ».
Lorsque les travailleurs sont autorisés à utiliser les services de communication fournis par l'employeur à des fins privées, le Parlement souligne par ailleurs que l'employeur « n'a pas le droit d'accéder aux métadonnées et au contenu des communications, et que les travailleurs doivent être formés et informés sur le traitement auquel leurs données seront soumises ».
La France en avance sur le sujet
Les eurodéputés veulent qu’il y ait une définition au niveau européen de ce qu’est la déconnexion, car les situations diffèrent fortement d’un pays à l’autre de l’Union européenne, alors qu’ils jugent ce « droit comme fondamental » pour protéger la santé des travailleurs, « un instrument majeur de politique sociale ».
Selon les services de recherche du Parlement européen, il n’y a que quatre pays dans l’Union européenne qui ont pris des législations donnant un cadre au droit à la déconnexion : la France, la Belgique, l’Espagne et l’Italie. D’autres ont adopté des mesures spécifiques dans le cadre d’une loi sur le télétravail, tandis que la grande majorité des États membres de l’UE ont une législation générale pour le télétravail. Enfin, les pays scandinaves, la Lettonie, l’Irlande, et Chypre n’ont pas de cadre juridique sur la question.
La France est considérée comme la pionnière en la matière dans l’Union européenne avec un accord de branche dès 2013 qui invitait les entreprises à éviter toute intrusion dans la vie privée de leurs employés. Le 8 août 2016, ce droit à la déconnexion a pris force de loi dans l’article L2242-17 du code du Travail, mais seulement pour les entreprises de plus de 50 salariés, et les modalités doivent être déterminées au niveau de l'entreprise, par accord collectif ou par la voie d'une charte. La loi sur le droit à la déconnexion est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 en France.
Dans le contexte du confinement dû au covid-19, le ministère du Travail a élaboré un guide à l'usage des télétravailleurs. Parmi ses lignes directrices, le ministère insiste sur les temps de pause et encourage les télétravailleurs à porter une vigilance accrue à la mise en œuvre de leur droit à la déconnexion. L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) fournit en complément, trois fiches pratiques destinées aux salariés, managers et employeurs de TPE et PME pour organiser le télétravail dans de bonnes conditions.
En Italie, le droit à la déconnexion est traité par l'article 19 de la loi n° 81/2017, qui précise que l'accord écrit entre le travailleur et l'employeur doit également réglementer les périodes de repos de l'employé et indiquer les mesures techniques et organisationnelles prises par les parties pour garantir le droit du travailleur de se déconnecter des appareils de l'entreprise.
L’Allemagne a choisi une approche laissant la part belle aux accords de branche. Un accord est ainsi né pour l’industrie métallurgique dans le Land du Bade-Wurtemberg réduisant le temps minimum de repos entre deux journées de travail, passé de 11 h à 9 h. En contrepartie, les salariés en télétravail pouvaient décider eux-mêmes du début et de la fin de leur journée de travail.
Source : Résolution du Parlement européen
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Les eurodéputés réclament un "droit à la déconnexion" des télétravailleurs,
Pour leur permettre de se désengager des outils numériques en dehors de leurs heures de travail
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Pour leur permettre de se désengager des outils numériques en dehors de leurs heures de travail
Le , par Stan Adkens
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